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Affichage des articles du octobre, 2023

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  Charlie (R) me dit que nous sommes des enfants gâtés, que dans l’histoire du monde la norme est plutôt de vivre sous la menace des guerres et des invasions. Alors oui c’est difficile de poursuivre une œuvre dans le climat actuel, et pourtant Proust l’a fait, il continuait à écrire des histoires détachées du contexte alors que ses camarades tombaient dans les tranchées de la 1ère guerre mondiale. J’ajoute : D’autant qu’il y a eu une deuxième guerre, et il n’y a qu’un seul Proust. Dans le train, cette fille qui voyage avec un enfant de huit ou neuf ans et qui lit : « Le parfum des fleurs la nuit », de Leila Slimani. Joli titre. Je regardais ses doigts lisser et faire tournicoter ses mèches de cheveux, des doigts comme des lianes, des poignets fins, puis ses mains s’agiter sur son livre. Le livre avait peu de durée. Très vite, elle le reposait pour revenir à son téléphone: messages + Instagram. Sur son téléphone ses doigts s’agitaient à toute vitesse, avec un mécanisme et...

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Je me plonge dans la lecture de « Chevreuse » de Modiano. Je voulais le lire à sa parution, et puis je suis passé à autre chose, accaparé par l’écriture. Aussi je suis heureux de le trouver en poche, accessible. Est-ce que sa lecture, est-ce que la littérature, est-ce qu’un livre vont m’enlever de la tête cette image qui me hante depuis une semaine, cette jeune femme enlevée à un festival de musique, dénuée, sans doute violée, exhibée à l’arrière d’un pick-up au milieu de cris sauvages, inerte comme un corps de christ descendu de sa croix. Est-ce qu’un livre est une trousse de premier secours pour l’âme ? J’interroge Rodolphe sur le manque de réaction des artistes suite à l’attaque du festival de musique, je veux dire j’ai bien compris qu’il n’y avait pas franchement de communauté humaine, mais de là à ce qu’il n’y ait pas au moins une communauté des musiciens.. Quand on voit la violence, ordinaire dans la rue, ou celle des belligérants de tel ou tel camp, on se dit qu’avec ...

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Encore abasourdi par la violence inhumaine au Proche Orient, les yeux rivés aux chaînes d’info en continu, à recevoir et penser l’horreur, j’ai peu de place pour penser à la mort de François (Alquier). Et puis je ne la trouve pas crédible. J’ai encore la conviction qu’il va m’appeler lors de mes prochaines sorties, le roman, le disque, pour me dire : « allez Jérôme, il faut qu’on se voit vite, il faut que tu restes en haut du podium de l’artiste le plus mandorisé. »   Déjà, à l’époque, c’est en cette qualité qu’il m’avait demandé de préfacer son livre qui reprenait une grande partie de ses chroniques. François avait deux qualités assez rares par les temps qui courent pour aider les artistes : la curiosité insatiable, et la fidélité absolue. La fidélité parce qu’il envisageait chaque sortie comme venant éclairer une oeuvre, et c’est en cela qu’il était un journaliste rare et précieux. Ainsi qu’un ami. Je lui fêtais des faux anniversaires dans les salons du livre, le rega...

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  J’ai dit à Xavier (de Moulins) que j’avais regardé son JT jeudi dernier et que devant la succession ininterrompue de nouvelles sordides j’avais pensé fort à lui et m’étais demandé comment il tenait le coup. Xavier me parle de l’équitation comme besoin vital de retrouver un peu d’horizon. Deux heures plus tard je tombe sur ces images de barbarie insoutenable au Proche Orient où les femmes sont capturées, dénudées et exhibées comme des trophées, où des familles sont exécutées, et des jeunes gens massacrés par centaines à un festival de musique. Et sans transition des personnes qui prennent la parole pour minimiser ou excuser cette barbarie abjecte. Impossible de fermer l’œil, remué par l’atrocité des images et des situations. Je traverse la France avec le chat (mais sans mon chat). Ce qui est beau dans les festivals sur deux jours c’est qu’il y a des personnes qui prennent un livre le samedi, le lisent dans la soirée, et reviennent le lendemain pour me faire part de leur enthousia...

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  Le 22 septembre dernier, c’était l’anniversaire de la disparition de mon père. 2003-2023. Vingt ans, c’est beaucoup et rien à la fois. C’est peu pour penser la mort d’un parent je trouve. C’est encore trop peu pour la concevoir. La nuit dernière, j’ai rêvé que mes parents étaient encore vivants et que je ne passais pas assez de temps avec eux, alors je cherchais les itinéraires possibles pour rentrer à la maison (Marsinval). Il y en avait plusieurs, tous familiers. Déjà empruntés, mais uniquement en rêve. Ce genre de lieux familiers qui n’existent qu’en rêve.   Sur les réseaux sociaux je vois des artistes qui passent leur temps non pas à créer un univers captivant ou cohérent par rapport à leurs créations, mais à mendier des likes, des clics, des abonnés, des vues. Je me fais la réflexion instantanée : Mais qui a envie de s’intéresser à de tels artistes ? Et pile au moment où je me dis ça, je reçois un message de mon label qui me demande d’encourager les gens qui me suivent...