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 Charlie (R) me dit que nous sommes des enfants gâtés, que dans l’histoire du monde la norme est plutôt de vivre sous la menace des guerres et des invasions. Alors oui c’est difficile de poursuivre une œuvre dans le climat actuel, et pourtant Proust l’a fait, il continuait à écrire des histoires détachées du contexte alors que ses camarades tombaient dans les tranchées de la 1ère guerre mondiale. J’ajoute : D’autant qu’il y a eu une deuxième guerre, et il n’y a qu’un seul Proust.

Dans le train, cette fille qui voyage avec un enfant de huit ou neuf ans et qui lit : « Le parfum des fleurs la nuit », de Leila Slimani. Joli titre. Je regardais ses doigts lisser et faire tournicoter ses mèches de cheveux, des doigts comme des lianes, des poignets fins, puis ses mains s’agiter sur son livre. Le livre avait peu de durée. Très vite, elle le reposait pour revenir à son téléphone: messages + Instagram. Sur son téléphone ses doigts s’agitaient à toute vitesse, avec un mécanisme et une performance dignes des séquences d’usine des Temps modernes de Charlie Chaplin. Le livre imposait des moments + calme. D’une brièveté qui fend le cœur, à l’image de certaines rencontres. Une sérénité, mais une sérénité délaissée.

Puis, encore dans une autre cadence, ses doigts se sont acharnés sur un paquet de cookies bio dont j’ai noté mentalement la marque pour pouvoir en acheter si par hasard j’en trouve sur mon chemin. Ses doigts sur le paquet de gâteaux, c’était encore une autre mécanique, une autre histoire. Une histoire différente de ses mains.

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