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Affichage des articles du février, 2020

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Writer’s life (88) Dans le TGV, le fracas des morceaux de glace qui se brisent sous la puissance du train. J’ai la sensation de partir en expédition vers les contrées du nord avec José Arcadio Buendia dans le roman de Gabriel Garcia Marquez : Cent ans de solitude, (ou, + effrayant, dans The terror de Dan Simmons) sauf que je vais à Nancy intervenir en fac de lettres et donner des ateliers d’écriture. Tous ces livres sur lesquels on met dorénavant un « bandeau » dès le départ. Ces livres qui aguichent par un slogan, qui font les rayons et les tables comme on fait le trottoir. Peut-être qu’il y a des livres dont le secret espoir est d’échapper au « bandeau » qu’on leur colle à l’origine. Un bandeau, un bâillon. Écrire, combat la volatilité de tout. Le manque de permanence, le manque d’adhérence, le visage changeant des êtres, des choses, des paysages. L’interaction déçue. La violence d’une réaction qui déraille. La violence qui s’invite quand vous n’avez rien demandé, la violence du sys

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Writer’s life (87) J’ai toujours du mal à comprendre comment les gens qui ne font pas grand chose peuvent donner des notes ou des points à des personnes qui tentent de construire une œuvre. On m’interroge sur le sexisme en littérature. Je donne un exemple : Combien m’ont raconté avec admiration et sourire en coin cette anecdote où Romain Gary invite à sa table Jean Seberg et son mari de l’époque et demande au mari la permission d’essayer ses chaussures puis, à la fin du repas, lui déclare : « Maintenant que j’ai essayé vos chaussures, je vais prendre votre femme ! ». J’ai toujours trouvé cette anecdote affreuse. Pas parce que Gary séduit une femme mariée. Il faut bien qu’il y ait de nouvelles histoires d’amour pour bouleverser les quotidiens, célébrer l’expérience de la vie, écrire des romans inspirés et brûlants, ou devenir Picasso, mais j’ai toujours trouvé cette anecdote de « chaussures et de femme » profondément machiste, crâneuse et détestable. Loin du Romain Gary d’un livre que

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Writerslife (86) Une amie me dit : « C’est quoi toutes ces filles qui écrivent sur leur viol, leur agression sur des pages et des pages, est-ce qu’elles n’ont rien d’autre à raconter ? » « Et bien, réponds-je, si je considère que deux de mes amies sur trois ont subi des agressions sexuelles, je pense que c’est un sujet viscéral.» Le week-end dernier, une autre amie s’agaçait de la lettre ouverte que j’ai signée contre les agressions sexuelles dans le milieu de l’édition, en me disant : « Mais toutes ces filles qui se pressent pour aller sucer un type dès qu’il est un peu connu ! », « Ce n’est pas le sujet », ai-je objecté. Elle dit : « Pour moi, la meilleure façon de répondre à un type pressant c’est de lui mettre un coup de pied dans les couilles ! ». J’ai répondu à mon amie : «Mais voyons, tout le monde n’a pas ta force ! » Reçu un très beau message d’une lectrice de « L’appel de Portobello road ». Elle me dit qu’elle a été touchée par une des dernières phrases du roman sur les gens

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Writer’s life (85) Dans les trains, le visage des filles qui lisent. Travail toute la matinée au café sur des chansons pour un téléfilm (commande). L’autre soir dans une fête j’avais mon casque, les écouteurs sur la nuque et le serre-tête barrant mon cou et une fille m’a dit que ça donnait une sorte de look sado-maso. Hum. Je crois que vouloir vivre aujourd’hui de son travail d’écrivain est un gage suffisant de sadomasochisme sans qu’il faille y ajouter un quelconque accessoire. Pierre me parle du musicien Alex Puddu et de ce qu’il considère comme son chef d’œuvre : « The golden age of Danish Pornography ». J’écoute deux morceaux aux titres évocateurs : « The dirty games of Dr Love » et « Naughty girls at the wild party ». Des propositions de projets d’édition. Deux éditeurs distincts se disent très intéressés et me sollicitent pour mes writerslife. Cela me tente beaucoup évidemment, mais j’ai déjà un planning de sorties assez conséquent jusqu’en février 2022. Réfléchir à ce projet.

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Writer’s life (84) Abnousse me dit qu’elle a refusé plusieurs propositions de mariage. À chaque fois les types amenaient la proposition sur la table alors que l’histoire se terminait. Revu avec plaisir Alain de la librairie Lucioles. Il aurait adoré organiser une lecture musicale de mon Beatles pendant le festival Jazz à Vienne mais s’est pris un refus de la part des organisateurs. Lors de la rencontre au Hall du livre, Élise Fischer qui mène l’entretien me demande si je suis satisfait de toutes les choses que j’ai faites ou qui m’arrivent. Satisfait ? Mais, réponds-je, je ne suis jamais satisfait. C’est justement parce que je ne suis jamais satisfait que je fais des choses, que je vais de l’avant comme si je repartais toujours de rien. Je ne suis jamais satisfait de moi, et rarement des autres. Les gens satisfaits d’eux-mêmes se remarquent tout de suite, ils veulent séduire tout ce qui passe, courent après les honneurs (même en revendiquant le contraire) et pourrissent sur place. Sa

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Writer’s life (83) À chaque période de ma vie, il y a peut-être trois quatre personnes qui font partie de mon écosystème. Quand elles ne sont pas là, je dépéris (en secret). Quand elles sont là, je m’illumine (en secret). Il y a des auteurs qui ne parlent que des prix littéraires, même quand ce n’est plus la saison des prix. Tellement des-prix-mant ! Je suis entré dans une chambre d’hôtel non faite et ça m’a foutu le bourdon. Après, je n’avais plus trop envie de dormir dans le lit. En marge de la rencontre à Bron, une femme me dit : « Vous avez fait tellement de choses, vous avez des supers pouvoirs ou quoi ? » Toujours répondre par l’étonnement à ce genre d’admiration et ne pas être trop déçu à la pensée que j’aurais pu faire encore + de choses en bénéficiant de + de notoriété ou si j’avais perdu moins de temps dans des projets sans avenir (Tellement de temps perdu, tous ces gens qui m’ont fait/me font travailler pour peanuts). En atelier d’écriture, une étudiante trop mignonne qui

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Writer’s life (82) Dans mes ateliers d’écriture, j’encourage les étudiants à être eux-mêmes tout le temps. Parce que souvent la vie, hors l’écriture, contrarie cette possibilité. C’est en cela aussi que l’écriture devient un territoire plus juste que la vie, dans la mesure où ce territoire permet d’être soi-même tout le temps. Frédéric, libraire à Bruz, m’écrit : «Et maintenant pour la Saint-Valentin, on va faire un tabac ! Ton livre sur les Beatles, c’est avant tout un grand livre d’amour ! » X me dit qu’il aimerait beaucoup faire une chronique de « J’aurais voulu être un Beatles » pour un magazine musical dans lequel il écrit, il en a parlé à son rédacteur en chef depuis fin décembre, mais le rédacteur en chef réfléchit toujours à cette éventualité. Hum ! Devant mon air de smiley exaspéré, X me dit qu’il a fait deux pages d’entretien sur le roman de Y qui pourtant n’a rien de musical, mais c’est parce que Y est un des meilleurs amis du rédacteur en chef. Il garde espoir pour faire v

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Writer’s life (81) Signature de Naë sur le label Elektra, chez Warner Music. Une signature qui vient aussi couronner notre travail ensemble sur l’écriture des chansons depuis l’été dernier. Entretien avec Nicolas, au café de l’Institut Finlandais pour la sortie de : «J’aurais voulu être un Beatles ». Il me dit à propos de Loulou : «C’est une des seules personnes que j’ai rencontrées qui dit la vérité tout le temps. Le problème, c’est que tu dois faire la même chose en face. T’es obligé. » Concernant mon livre, Nicolas me dit que j’ai une écriture très cinématographique et qu’il a particulièrement adoré la nouvelle sur Paul. Paul, à l’époque des Quarrymen. Paul et les bus verts dans la grisaille de Liverpool, un dimanche. Paul et la fille à l’arrêt de bus. Paul qui espère la revoir, la retrouver, au retour. À la nuit tombée. Même pour le temps si court de deux arrêts. Il me dit, à propos de ce passage : « Toutes ces fois où tu comptes sur le hasard, et le hasard n’arrive pas. C’est te

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Writer’s life (80) Première et unique tribune que je signe, je crois. Ce matin, appel de Frédérique qui me sollicite pour être un des signataires du texte de Caroline sur le harcèlement sexuel dans le milieu de l’édition française. Tribune publiée sur France Info. Je ne signe jamais de lettres ouvertes, de pétitions, etc.. Je préfère signer uniquement les textes que j’écris et déjà je trouve toujours un truc à y redire quand je me relis. Cela étant, si je dois donner une fois ma signature je le fais volontiers pour ce texte de Caroline. Tous les hommes qui abusent de leur pouvoir sur les femmes, et qui croient le faire comme si c’est un dû, ça me fait tellement gerber. Et quand ils s’autorisent à le faire sous couvert de subtilité, de sensibilité, ça me fait aussi gerber. Mais j’ai l’estomac fragile en matière de rapports humains. La vulgarité, la force imposée, la violence, le m’as-tu-vu, l’opportunisme, et je me désolidarise instantanément de mon genre. Mais il faut dire que, déjà,

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Writer’s life (79) Parfois je dis quelque chose d’enfoui en moi et pendant que je prononce cette parole je sais que je n’aurais pas dû le faire. Pas parce que c’est une chose brutale, bien au contraire, mais parce que je devine instantanément qu’elle est faite pour manquer sa cible. Se distordre entre mon intention et le contexte où elle est envoyée. Je dois davantage m’empêcher de dire des choses dans des contextes inappropriés. La littérature est un espace dans lequel vous pouvez créer un contexte où les choses que vous avez à dire ne sont pas irrecevables. À un café littéraire, une femme m’interpelle : «Vous avez fait des disques, vous écrivez des livres, vous connaissez Francis Cabrel, vous avez écrit des chansons pour Johnny Hallyday, bref vous avez une vie foisonnante… » Hum, si on considère que je n’étais qu’un enfant sage et timide de banlieue ouest sans aucune connexion, lien, ou tremplin vers les milieux que je fréquente aujourd’hui, alors oui il s’est passé des choses, mais

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Writer’s life (78) X. Le genre de mec qui se met en avant tout le temps. Tout le temps. Chaque fois que je dois monter en voiture avec lui dans un événement autour du livre, pour faire un voyage entre la gare et le lieu de dédicaces par exemple, ou en direction d’un hôtel, je m’attends à ce qu’il s’installe sur le capot. J’ai un faible intérêt pour les gens en couple, ça a tendance à faire s’effondrer mon imaginaire (je déconne), pourtant l’une des plus jolies choses que j’ai vues ces dernières semaines : le moment entre Rooney Mara et Joaquin Phoenix aux Golden Globes. Terminé de travailler sur les épreuves d’Alcie (qui peut partir cette semaine à l’impression). À cette phrase du livre : "Alcie restait triste et tourmentée, alors elle répondait par des « oui » qui voulaient dire « peut-être » et des « non » qui voulaient dire « à quoi bon »", Charlotte me dit : « Ça c’est tellement tout à fait toi ! ». Au Grand Prix des blogeurs littéraires, Xavier me dit avec tendresse :