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Affichage des articles du avril, 2020

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Writer’s life (110) La mort de Robert Herbin. Je me revois chez ma grand-mère paternelle, à la Garenne-Colombes, avec un album de vignettes Panini, essayant de compléter l’équipe de Saint-Etienne. Et regardant un épisode de Goldorak ou d’Albator, avant que mon père vienne me récupérer pour me ramener à la maison. Ma grand-mère possédait dans son armoire à pharmacie des flacons d’eau de rose. Je ne me souviens pas de rapports spécialement complices (mais j’étais tout petit) avec aucun de mes grands-parents. Ils s’occupaient de moi, faisaient le job, sans effusion. Je me connecte ici ou là pour mettre des petits mots à des amies dont je sens la détresse, ou prendre des nouvelles (en douce / avec douceur), mais de voir tous ces gens qui font la morale, donnent des leçons, ça finit par me démoraliser. C’est comme l’autre jour, je reçois une publicité pour un magazine culturel qui se targue de faire un article sur ses déceptions. C’est une drôle de réclame. Et quel intérêt d’ajouter un se

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Writer’s life (109) Sans doute pour vérifier qu’il est dangereux de voyager verticalement, une pile de livres dans une main une tasse de thé dans l’autre, j’ai fait un vol plané dans le petit escalier qui conduit à la mezzanine où est situé mon bureau de travail. Des faux mouvements pour me récupérer, et me voilà dans une situation assez douloureuse qui va de la main à l’épaule droites. Tout de suite j’en ai profité pour me dire que c’était l’occasion pour travailler sur les passages les plus « douloureux » de mon roman en cours. La morale de cette histoire est qu’il est plus dangereux pour un type qui écrit de rester chez soi que de courir le monde (du moins la France) comme je le fais avec mes livres depuis plusieurs années. Et qu’il vaut mieux soigner ses chutes avant que la chute vous surprenne. Moral assez bas. J’accuse le contrecoup de tous les événements pour lesquels j’avais travaillé ardemment et qui se sont annulés. Et je m’en veux d’être si lent alors que d’habitude mon ima

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Writer’s life (108) Le 19 avril est dorénavant un jour particulier pour moi : jour de naissance de mon père, jour de la mort de ma mère. Ça fait six ans aujourd’hui. C’est tellement particulier. Comme je suis fils unique, je pense que je n’ai vraiment personne à qui parler de ça, en dehors de l’écriture. Seule l’écriture peut me rattacher en compréhension à ce que je ressens, et aux autres qui, bien sûr, ne peuvent pas exactement approcher ce que je ressens. J’ai conservé toutes les lettres que ma mère avait elle-même conservé tout au long de sa vie, même celles où il était pourtant indiqué à la fin : «Je te demande de brûler cette lettre après que tu l’auras lue ». À 20 ans, elle se marie au comte de Noidan, devient comtesse en quelque sorte, vit dans un château au fin fond des Ardennes belges et devient veuve quatre ans plus tard. Je trouve aujourd’hui la lettre qui fait état de la mort de son premier mari. Ça me fait drôle de me dire que je dois mon existence à un coup de fusil p

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Writer’s life (107) Il pleut des cordes où je suis, de chaudes larmes de printemps, et les réseaux sociaux sont ce matin un champ d’étoiles à la mémoire du chanteur Christophe. Il y a une dizaine d’années, il m’avait fait venir à Londres où il travaillait sur un album, après avoir écouté une chanson de Marie Amélie Seigner : « On se regardait » et après que Marie Amélie lui ait parlé de moi. Il voulait qu’on travaille ensemble. En arrivant, il m’a fait écouter sur quoi il travaillait. L’album devait sortir dans deux mois et il n’avait aucun texte. Que des yaourts avec sa voix si emblématique. J’étais prêt à travailler, à me jeter dans la mêlée des sons, mais je me souviens qu’on n’a pas travaillé du tout. On a passé la nuit entière à discuter, tous les deux enfermés dans une immense cabine des mythiques Olympic studio, où les Stones ont enregistré "Beggars Banquet", et les Beatles la chanson : "Baby you’re a rich man". Toute la nuit, il m’a parlé de son amour des fe

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Writer’s life (106) Tellement de courrier en retard que je me désespère moi-même, mais il faut que je finisse la forme (comme une pâte à modeler) de mon prochain roman, et trouve si peu d’ardeur pour l’écriture qui ne concerne pas ce travail, même quand il s’agit d’une réponse d’une poignée de mots. Étrange période. J’arrive bientôt en nombre de mots à un volume qui se rapproche de mes deux derniers romans. En tant que lecteur, j’ai peu de goût pour les romans trop longs, je n’arrive jamais à les terminer, et bizarrement j’ai envie de dire la même chose pour les romans trop courts : je n’arrive jamais à les terminer. Mes souvenirs de Pâques : aller chercher les oeufs dans le jardin de mes grands parents, dans la maison de Gibecq que j’aimais tant, en Belgique. À la mort de ma tante qui a été la dernière propriétaire de cette maison, un de mes grands regrets est de ne pas avoir eu suffisamment d’argent pour acheter la maison de Gibecq. Bon, qu’est-ce que j’en aurais fait ? Pourtant, j

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Writer’s life (105) Moins présent sur les réseaux. Éviter d’être intempestif, de se fatiguer de soi. Le même agacement que George Harrison dans sa chanson « I, me, mine ». Vu sur TCM un documentaire sur le chef opérateur Vilmos Zsigmond (The deer hunter, Délivrance, Rencontre du 3ème type, Blow out, La porte du paradis, et un film moins connu que j’adore : The long goodbye, avec Eliott Gould et d’après Raymond Chandler). Vilmos Zsigmond a cette très belle phrase : « Les ombres racontent l’histoire plus que la lumière ». Une phrase que je relie immédiatement aux dessins sublimes que m’envoie Fred chaque jour pour Alcie 2. Un mélange de conte à la Dickens et d’expressionnisme allemand (saupoudré d’un humour salvateur, comme il se doit). Le confinement dans le confinement : J’ai du mal avec tous les projets qui sollicitent mon écriture et ne sont pas l’écriture du roman en cours. Alors je reporte à plus tard, ce qui n’est pas dans mon habitude et c’est bien la première fois que je n’arri

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Writer’s life (104) «Our connexions with those that we don’t know, a greeting from a stranger, a kind word from a neighbour, these make up society », très beau discours du nouveau leader du parti travailliste britannique Keir Starmer. Sur le corps medical : «For too long they’ve been taken for granted and poorly paid. There were last and now they should be first ». En à peine un week-end, la population de Deauville a quadruplé. Typique du parisien en goguette : le couple avec deux enfants qui marche en plein milieu de la rue et braille (et postillonne) à tout va. D’autres renouent avec la sortie de leur voiture de sport. D’autres sont heureux de pouvoir s’engueuler à ciel ouvert après 15 jours de captivité en ville. Le virus de la connerie, en circulation libre depuis longtemps. Sollicité pour plein de trucs, on me demande d’apparaître, de faire des vidéos, de parler de ce qu’est la vie d’un écrivain en confinement (pareil que pour tout le monde sauf qu’en + c’est un écrivain), je m’y

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Writer’s life (103) Toujours aussi épouvanté par le nombre exponentiel d’amie(e)s qui sont touché(e)s par ce virus atroce et galopant. Climat étrange où on change de trottoir quand on aperçoit une silhouette au loin ; ce n’est tellement pas ce qu’on attend de ce passage dans l’existence. Sarah me demande si j’avance bien dans l’écriture de mon nouveau roman. Je lui réponds oui mais + au ralenti que d’habitude. Et puis, je ne veux pas que ce soit un livre de confiné. Je veux dire, je ne veux pas le nourrir d’angoisses qui ne sont pas de son ordre ou de son territoire. Je ne veux pas non plus le nourrir de la nostalgie du mouvement, j’ai au contraire besoin du mouvement pour le nourrir. Cadeaux de tous les jours : les dessins que Fred m’envoie pour le tome 2 d’Alcie. Le moral à plat avec tous ces festivals, événements, engagements, rencontres, aventures autour des livres qui s’annulent. Seul et maigre réconfort, le travail, par petites touches ardentes, sur un nouveau roman qui m’emm