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  Writer’s life (159) " Selon Proust, les meilleurs paradis sont les paradis perdus. C'est une phrase célèbre à juste titre. Je me permets d'ajouter qu'il existe peut-être des paradis encore plus fascinants : ceux qu'on n'a jamais vécus, les lieux et les aventures qu'on entrevoit, là-bas. Pas derrière nous, comme les paradis perdus qui rendent nostalgiques, mais devant nous, dans l'espoir qu'un jour peut-être, comme les rêves qui se réalisent, on arrivera à les atteindre, les toucher. Le charme du voyage réside peut-être dans cet enchantement, cette nostalgie paradoxale du futur. C'est la force qui fait imaginer ou croire qu'on fait un voyage et qu'on trouvera, dans une gare inconnue, quelque chose qui changera notre vie. On cesse peut-être d'être jeune quand on ne fait que regretter, aimer seulement le paradis perdus. " J’adore cette pensée de Marcello Mastroianni dans un doc qui lui était consacré et que j’ai retranscrite pour

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  Writer’s life (158) Je pensais que j’habitais dans une ville où on entendrait les oiseaux, et c’est une ville où on n’entend plus que les travaux. Et aussi les postes radios des ouvriers sur les échafaudages, à chaque coin de rue quasiment. D’une maison, d’un bâtiment à l’autre : Claude François, Britney Spears, Vianney. Les nouveaux lieux de diffusion de la musique.  Journée à Paris, pour des interviews. J’étais assez découragé en rentrant parce qu’à chaque fois, pour le format réseaux sociaux etc. on me demandait de reprendre ce que j’avais dit pour faire le plus court possible, on me forçait à synthétiser au maximum ce que je voulais exprimer. C’est le vrai problème des formats à succès comme Brut, Konbini, Instagram, etc. c’est qu’on ne s’habitue plus qu’à écouter des paroles qui se passent des hésitations, des silences, des détours, de la littérature en somme. On veut que l’autre tienne, sur tout sujet, un discours Trumpiste en quelque sorte. C’est pour ça que les livres restent

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  Writer’s life (157) La poésie est une denrée de première nécessité, et, c’est ainsi, on la trouve davantage en liberté dans les livres qu’embastillé chez soi ou dans la rue des temps qui courent.  Les livres vont devenir un bien de contrebande, un rendez-vous masqué, un baiser de feuilles, de tout temps et plus encore aujourd’hui, un petit luxe et une grande consolation.  Je pense que ce qui touche dans cette interdiction du livre, du disque, du spectacle vivant, c’est l’atteinte à ce qui fait notre culture et qui nous constitue, je veux dire ce n’est pas juste une histoire de boutique où chacun peut avoir l’air de plaider pour sa paroisse, c’est un sentiment plus général et collectif, constituant, qui engage notre mode de vie, notre modernité, et notre humanisme. L’art, comme dit Jean Cocteau dans cette phrase que j’adore et dont j’avais fait le mantra du Journal en ligne que j’ai tenu sur le web disons de 1998 à 2010, l’art est « une île qui est brisée, dispersée à travers le monde

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  Writer’s life (156) Nick Cave qui sort un disque le 20 novembre, seul au piano, voilà une bonne nouvelle dans tout ce marasme. Sortir du confinement en sachant jouer « Into my arms » au piano, est un nouvel objectif.  Je picore le livre « L’enfance c’est… » le projet de l’illustrateur Jack Koch sorti au livre de poche, avec 120 auteurs (dont je fais partie) et qui donnent tous leur version de l’enfance. Beaucoup de jolies choses, ce qui est assez normal, j’ai l’impression que les rapports que nous entretenons avec les autres dans nos vies d’adulte sont équivalents à ceux qui nous définissaient dans la cour de récréation, et dans le cas où ils ont évolué, c’est souvent en réaction à. Dans le beau texte d’Hadia (Decharrière), il y a une phrase qui dit : « L’enfance, c’est l’amour dépourvu de la terreur de perdre ». Je trouve ça très beau. Vrai et pas seulement (voici sans doute une définition convenable de la beauté). Moi, par exemple, peut-être parce que je suis fils

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  Writer’s life (154) Tellement envie que 2021 arrive que pour la 1ère fois de mon existence j’aimerais que le 31 décembre survienne avant noël.  Lors du premier confinement en mars j’ai glissé dans les escaliers et ai encore de vives et lancinantes douleurs au bras droit, ce coup-ci c’est un mal de dos qui ne me lâche pas, comme si on m’avait coupé les ailes en plein vol (ce qui est assez plausible par ailleurs). J’ai l’impression que la situation m’a replongé en enfance, je suis dans ma chambre avec ma guitare électrique, mes livres, la télévision dans la pièce d’à côté, les histoires que j’invente (autrefois sur la moquette avec mes figurines, aujourd’hui sur l’écran d’ordinateur dans mes livres), le gouvernement parental me dit « va jouer une heure dehors et reviens pour dîner », c’est juste que le gouvernement prend des mesures beaucoup plus incohérentes que celles qui ont gouverné mon enfance (et contribué à ma stabilité mentale), et que j’ai des problèmes matériels d’adulte dans

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  Writer’s life (154) Je dirais que je suis chrétien, parmi mille autres choses qui font partie de ce que je suis je suppose, par ma culture et mon éducation principalement, par ma mère qui était très croyante et venait d’une famille belge très catholique, je suis donc passé par tous les sacrements (m’étant arrêté à la confirmation - il y a le mariage après et il y a quand même des limités à ma crédulité - (je déconne)), ayant assisté deux fois par an aux bénédictions Ubi et Orbi des papes successifs avec ma maman qui ne les auraient manqué pour rien au monde, ayant passé mes dimanches à bailler à l’église attendant le moment de la communion pour aller retrouver une fille de mon âge qui me plaisait dans la ribambelle des fidèles vers l’autel, etc. etc. je reste perplexe en lisant le message du pape hier, après ce nouvel attentat, message que je trouve toujours d’une douceur irréaliste. Il dit : « Que le peuple français puisse réagir au mal par le bien » ; j’ai toujours envie de demande

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  Writer’s life (153) Je viens de lire un extrait d’interview de cette actrice qui déclare : «Je ne me suis jamais sentie offensée parce qu’un homme portait un regard bestial sur moi ». Je pense aux situations, innombrables où j’ai observé le regard bestial, nourri d’intentions bestiales, des hommes courir ou se fixer sur des filles. Dans des soirées, dans la rue, dans d’autres circonstances. À chaque fois, sans savoir d’où ça me vient, je me suis senti et me sens encore terriblement offensé. Pour la fille, à sa place, ou avec elle, ou pour moi, ma place dans ce monde (ou dans cette fête), je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que tout d’un coup je suis en face d’un déni de civilisation, d’une vulgarité et d’une brutalité qui me révulsent, c’est une constante, depuis l’enfance, l’adolescence, le moindre regard bestial porté sur une femme me blesse et me révolte à la fois, j’ai des envies de duel que je ne provoque pas inconsidérément car pour paraphraser le Prin