Articles

Affichage des articles du novembre, 2019

63

Writer’s life (63) Un festival de choses adorables. Valérie (Tong-Cuong) me dit des choses jolies sur mes writerslife, le passage sur la douceur et la douleur qu’elle a lu dans le train pour venir à Angoulême. Elle me parle de chagrin et de beauté. Anna, l’agente de Matt Salinger vient me voir et me dit à quel point Matt lui parle du moment précieux de notre rencontre autour de l’œuvre de son père. En fait, on s’est bien entendu sur la quintessence de l’écriture de Salinger, je crois. Elle me dit que pour Matt je suis son beau souvenir de Paris, un truc gentil du genre. Loulou qui est témoin de la conversation me dit : Tu peux mourir tranquille après ça. Je lui réponds : te connaître dans cette vie et je peux mourir tranquille. J’adore cette phrase de Jean-René Huguenin qui dit, de mémoire, que les autres ont aussi une existence très concrète dans l’absence, quand on pense à eux. Enfin j’adoucis la dureté de la pensée d’Huguenin, moins sombre qu’il ne la formule dans son Journal ; il e

62

Writer’s life (62) Erwan me dit : tu devrais sortir un livre : d’un côté tes writerslife, de l’autre, en retournant le livre : tes flashpoetry. Dédicaces à Paris, une femme me prend un exemplaire de « La petite sonneuse de cloches » pour sa fille. Je colle un sticker avec une licorne à l’intérieur. Elle s’anime : « Oh, vous savez, ma fille a 24 ans quand même ! », « Oh, lui réponds-je, ça peut quand même lui faire plaisir, moi je n’ai commencé à apprécier les licornes qu’après 25 ans. » Je commence à écrire un nouveau roman. Sur les notes de l’iPhone. N’importe où, au café, dans la rue, après une conversation téléphonique, une entrevue, qui m’ont laissé amer ou déçu. Un échange qui m’a laissé sur ma faim, incomplet. En somme, dès que la vie me fout dans une impasse, j’en fais une ligne droite dans le prochain livre. On pourrait dire aussi : un apaisement. Des bandages sur l’instant qui fuit de toutes parts. J’écoute toujours avec ravissement certaines personnes parler de mes livres en

61

Writer’s life (61) J’ai toujours mis des personnes que j’aimais dans mes livres. Il y a des personnes, je ne peux pas leur dire dans la vraie vie : je vous aime. Je ne peux pas le dire parce que c’est trop. Alors je mets ça dans les livres. Le problème, ensuite, avec les livres ainsi habités, c’est qu’on ne sait plus vraiment où se situe de manière la plus juste la perception de « la vraie vie ». La petite sonneuse de cloches aura donc plutôt fait figure de contre-programmation dans cette rentrée littéraire comme tout roman dont le romantisme assumé fait un peu bord cadre dans une société qui se spécialise dans le fait divers, la violence faite ou subie, et la douleur, alors qu’elle en déborde de partout. Je participe à une très chouette rencontre menée par Philippe Chauveau en compagnie de Katherine (Pancol) sur la scène de l’opéra de Tours. À un moment, Katherine raconte qu’à New York dans les années 80 elle avait retrouvé la trace de Louise Brooks devenue vieille dame, s’était liée

60

Writer’s life (60) Dans les dîners où je m’ennuie plus copieusement que je n’ai d’appétit, tout d’un coup je remarque quelque chose, un signe, trois fois rien, le fantôme de doigts qui se frôlent, le fantôme de yeux qui se cherchent, ou on me parle de quelqu’un qui aime secrètement une autre personne, ou d’une histoire d’amour qui emportait tout sur son passage, et là mon attention se darde, je brûle tout entier comme lorsqu’on propose du feu à une inconnue dont on découvre le visage à la flamme d’un zippo. Dans les locaux de Roy music il y a un chien qui s’appelle Rolland (avec 2 l) je m’interroge sur ce choix et Arnaud me dit : “il était tellement mignon qu’on lui a donné un prénom de merde pour qu’il n’ait pas non plus toutes les chances de son côté.” Nicolas me dit que le jet des bouchons de champagne est la première cause d’aveuglement en France. L’attraction physique doit arriver en deuze. Entre le projet d’un nouveau roman, la suite d’Alcie, les nouvelles chansons,

59

Writer’s life (59) Quand je n’écris pas une journée c’est que je suis dans un état de profonde tristesse, une tristesse qui me paraît indéchiffrable aux autres, incompréhensible pour les autres, intransmissible, dans la mesure ou écrire c’est chercher à se rendre compréhensible (d’une seule personne ou/et du plus grand nombre). Écrire, c’est déjà permettre à cette tristesse de sortir de soi, de prendre l’air, faire quelques pas dans le jardin, d’aller chercher un peu de résonance dans le coeur de la personne qui lit. Écrire, c’est arrêter de mettre les autres dans le même panier. C’est se dire qu’il existe quelqu’un pour comprendre vraiment de quoi il s’agit. Une personne qu’on connaît ou qu’on n’a pas encore rencontré. Et même si cette compréhension sera démentie par la suite. C’est du moins miser sur une compréhension réelle. Déjà, dans l’acte d’écrire, elle est là. Quand je n’écris pas dans une journée, je disparais au monde parce que je suis trop sale ou saturé (de tristesse)

58

Writer’s life (58) Suite de la tournée d’adieux à l’emploi du « jeune homme » à mon sujet : la boulangerie à l’angle des rues Hauteville et des Petites écuries à Paris, au restaurant La Truffe noire à Brive… Les 4h30 du trajet en train sont passées en une poignée de temps car j’étais installé à côté de Claire (Berest). Un enchantement (le trajet), un constant sujet d’étude (cette élasticité du temps). Avec Jean (Le Gall), on s’est dit que si l’un de nous était invité à une émission littéraire de très grande écoute (radio ou télé) on ne répondrait aux questions que par des phrases tirées des chansons de Jean-Jaques Goldman. Il faudra réviser, avoir une bonne connaissance du répertoire pour soutenir le plus naturellement du monde la conversation. Toute la journée, j’avais dans la tête ces deux vers de : « Sache que » : « Il y a mourir dans Je t’aime, il y a je ne vois plus que toi ». Qu’est-ce qu’on peut écrire de + fort ? Bon, j’essaye tout le temps. Dans la fameuse boî