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Writer’s life (63)
Un festival de choses adorables. Valérie (Tong-Cuong) me dit des choses jolies sur mes writerslife, le passage sur la douceur et la douleur qu’elle a lu dans le train pour venir à Angoulême. Elle me parle de chagrin et de beauté.
Anna, l’agente de Matt Salinger vient me voir et me dit à quel point Matt lui parle du moment précieux de notre rencontre autour de l’œuvre de son père. En fait, on s’est bien entendu sur la quintessence de l’écriture de Salinger, je crois. Elle me dit que pour Matt je suis son beau souvenir de Paris, un truc gentil du genre. Loulou qui est témoin de la conversation me dit : Tu peux mourir tranquille après ça. Je lui réponds : te connaître dans cette vie et je peux mourir tranquille.
J’adore cette phrase de Jean-René Huguenin qui dit, de mémoire, que les autres ont aussi une existence très concrète dans l’absence, quand on pense à eux. Enfin j’adoucis la dureté de la pensée d’Huguenin, moins sombre qu’il ne la formule dans son Journal ; il est vrai que je pense beaucoup aux autres en leur absence : j’entends parler d’un nouveau Corto Maltese et je me dis : que doit en penser Fred ? Je suis au café Madame où Loulou travaillait sur ses romans quand elle habitait le quartier et je me demande à quelle place elle s’asseyait, que reste-t-il dans ce café quasi désert ce matin des longues heures occupées par Loulou ? Je pense à Charlotte et je me dis : comment réagirait-elle à cette situation, est-ce qu’elle verrait ce que je vois ?
Rien ne me désole plus que ces écrivains qui se sentent spécialistes et s’accaparent un sujet parce qu’ils y ont consacré un livre. En interview on me parle comme si j’étais spécialiste de Chateaubriand. Je rectifie les choses. Je ne le suis pas. Si je dois résumer la quintessence de mon roman, c’est l’histoire d’un type qui prend un thé avec une fille qui lui plait, quelque part dans Londres, Marylebone high street ou ailleurs si vous voulez, et il n’a pas envie que ce moment se termine. Il en crève. Il crève de l’idée de cette interruption. Il en crève exactement comme Chateaubriand a crevé de faim dans ce quartier, à deux siècles d’intervalle. Voilà.

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