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Affichage des articles du octobre, 2020

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  Writer’s life (154) Tellement envie que 2021 arrive que pour la 1ère fois de mon existence j’aimerais que le 31 décembre survienne avant noël.  Lors du premier confinement en mars j’ai glissé dans les escaliers et ai encore de vives et lancinantes douleurs au bras droit, ce coup-ci c’est un mal de dos qui ne me lâche pas, comme si on m’avait coupé les ailes en plein vol (ce qui est assez plausible par ailleurs). J’ai l’impression que la situation m’a replongé en enfance, je suis dans ma chambre avec ma guitare électrique, mes livres, la télévision dans la pièce d’à côté, les histoires que j’invente (autrefois sur la moquette avec mes figurines, aujourd’hui sur l’écran d’ordinateur dans mes livres), le gouvernement parental me dit « va jouer une heure dehors et reviens pour dîner », c’est juste que le gouvernement prend des mesures beaucoup plus incohérentes que celles qui ont gouverné mon enfance (et contribué à ma stabilité mentale), et que j’ai des problèmes matériels d’adulte dans

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  Writer’s life (154) Je dirais que je suis chrétien, parmi mille autres choses qui font partie de ce que je suis je suppose, par ma culture et mon éducation principalement, par ma mère qui était très croyante et venait d’une famille belge très catholique, je suis donc passé par tous les sacrements (m’étant arrêté à la confirmation - il y a le mariage après et il y a quand même des limités à ma crédulité - (je déconne)), ayant assisté deux fois par an aux bénédictions Ubi et Orbi des papes successifs avec ma maman qui ne les auraient manqué pour rien au monde, ayant passé mes dimanches à bailler à l’église attendant le moment de la communion pour aller retrouver une fille de mon âge qui me plaisait dans la ribambelle des fidèles vers l’autel, etc. etc. je reste perplexe en lisant le message du pape hier, après ce nouvel attentat, message que je trouve toujours d’une douceur irréaliste. Il dit : « Que le peuple français puisse réagir au mal par le bien » ; j’ai toujours envie de demande

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  Writer’s life (153) Je viens de lire un extrait d’interview de cette actrice qui déclare : «Je ne me suis jamais sentie offensée parce qu’un homme portait un regard bestial sur moi ». Je pense aux situations, innombrables où j’ai observé le regard bestial, nourri d’intentions bestiales, des hommes courir ou se fixer sur des filles. Dans des soirées, dans la rue, dans d’autres circonstances. À chaque fois, sans savoir d’où ça me vient, je me suis senti et me sens encore terriblement offensé. Pour la fille, à sa place, ou avec elle, ou pour moi, ma place dans ce monde (ou dans cette fête), je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que tout d’un coup je suis en face d’un déni de civilisation, d’une vulgarité et d’une brutalité qui me révulsent, c’est une constante, depuis l’enfance, l’adolescence, le moindre regard bestial porté sur une femme me blesse et me révolte à la fois, j’ai des envies de duel que je ne provoque pas inconsidérément car pour paraphraser le Prin

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  Writer’s life (152) Encore à travailler sur mon prochain roman, j’ai du mal à le quitter (pire qu’un arrachage de dent). Il faudrait faire à chaque fois le livre qui nous ressemble le plus et qui nous trahit le moins. Je vais le dire comme ça, c’est mieux : mon prochain livre sera le livre qui me trahit le moins et me ressemble le plus. C’était déjà le cas du précédent, La petite sonneuse de cloches, mais il faut à chaque fois se donner + fort je crois. Du moins préciser qui on est dans ce monde flottant. Quand on écrit, il faudrait que ce soit le livre qui nous ressemble le + parmi les livres que l’on a déjà écrit, ceux qu’on a lus et qu’on vient de lire, et ceux dont on se souvient, et ceux aussi qu’on aime avoir avec soi. Je pense que je préfère écrire des livres qu’on aime garder non loin de soi plutôt que des livres dont on se souviendrait de l’intrigue ou de tel passage. Je préfère qu’on se souvienne vaguement d’un passage mais qu’on ressente l’envie de gar

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  Writer’s life (151) 13h, traversant le boulevard Haussmann côté Miromesnil, toutes ces filles qui font une pause clope à la sortie des bureaux. Me vient à l’esprit la question identique à celle que je me posais à vingt ans : « Mais quelle est leur vie ? Mais elles sont avec qui ? » La phrase sans doute la plus prononcée de toute sa carrière par un agent de la SNCF sur la ligne Paris-Deauville : “Je vous remercie de votre compréhension.” Je reste fasciné par «Le chardonneret » de Donna Tartt (j’aime beaucoup le film aussi, plutôt mésestimé), et pourtant que dire de ce livre ? C’est un peu long, voire très long parfois, un peu chiant, ça tourne en rond, avec des accélérations impromptues, et en dépit de cela il y a une poésie et un univers qu’on ne trouve pas ailleurs. Je pense que même avec deux, ou dix personnages peu importe, si vous arrivez à installer une poésie et un univers qu’on ne trouve pas ailleurs (traversés de quelques phrases fuselées comme des caravelles), la littérature

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  Writer’s life (150) C’est le cent cinquantième writer’s life, une petite oeuvre en soi, j’imagine. Malgré les menaces dont faisait l’objet le bien courageux professeur d’Histoire de Conflans Sainte-Honorine, J.M. Blanquer déclare au JT de France 2 : « Personne ne pouvait imaginer qu’il allait être assassiné ». Je trouve ça terrible qu’un ministre de la République puisse dire ça, donner l’impression qu’il a si peu conscience de l’époque dans laquelle nous vivons. Il y a encore quelque temps, les gens qui n’y connaissent rien et fantasment sur la rémunération des artistes, réduite à une peau de chagrin (Hum, heureux les chagrins qui ont une peau) depuis l’effondrement des ventes de disques, disaient : « Oh mais ils se rattrapent sur les concerts...». Eh bien voilà, maintenant, il n’y a même plus de concerts. Rien ne rattrapera rien qui ne rattrapait pas. Annaëlle me dit, à propos de la crise sanitaire, et la manière dont les revenus, les projets et les perspectives, o

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  Writer’s life (149) Dans le petit supermarché où je fais quelques courses il n’y a jamais (sauf à Noël) beaucoup de personnel, et il n’est pas rare qu’au coeur de l’après midi une file d’attente se forme devant l’unique caisse ouverte. À partir d’un certain nombre de personnes patientant et commençant à râler, la possibilité d’une deuxième caisse s’ébruite et là, dès l’annonce de l’ouverture, c’est la ruée des clients qui étaient dans la file. La plupart, même derrière moi, se précipite allègrement, le sourire aux lèvres d’avoir doublé tout le monde. Chez les vieilles personnes, ou disons d’un certain âge, il y a celles revêches et méchantes qui bien qu’arrivées dans les dernières vous doublent en vous toisant, se précipitant au risque de se briser quelque chose, et celles comme les petites mamies au chariot rempli qui disent : « Oh, ça ne sert à rien, on préfère rester là ». Je leur propose de passer avant moi, voire de les escorter jusqu’à la deuxi