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Affichage des articles du juin, 2019

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Writer’s life (37) Au salon du livre de Vannes, déjeuner avec Mélissa, joueuse de foot professionnelle qui vient de sortir une autobiographie chez Robert Laffont. Tout de suite, on s’est très bien entendus. Nous parlons du match : américaines contre thaïlandaises. Je lui dis qu’elles ont été un peu loin dans l’humiliation avec leurs 13-0. Mélissa soutient que respecter son adversaire c’est montrer qu’on ne joue pas petit bras. Pour elle, dans le sport, c’est une marque de respect de jouer son jeu à fond. Et quand tu domines au foot, ça se concrétise par des buts. Je lui dis que de mon point de vue si tu es supérieur à ton adversaire tu ne lui mets pas 13-0. Tu t’arranges pour un petit 2-0 à la rigueur. Toi tu sais que tu es supérieur, mais tu n’écrases pas. C’est ça, la classe. Mélissa me regarde avec tendresse et me dit : «Toi, en fait, tu n’es pas du tout sportif ! » J’admets. Mais j’accepte son opinion, comme quoi, mine de rien, je suis sport. Impossible d’ôter de mon poignet le « b

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Writer’s life (36) Je m’endurcis. Quand j’avais 20 ans et que je devais débattre avec une personne affolante de vulgarité et de bêtise je prenais ça pour un affront personnel. Aujourd’hui j’arrive à m’en foutre, à répondre en mordant à peine. X me parle de son associé, qui suite à un divorce long et douloureux, est pris de frénésie amoureuse et sexuelle et multiplie les conquêtes. Plusieurs relations et plusieurs cibles en même temps. Hier soir encore au restaurant il chassait de manière effrontée (tout ce qui me donne envie de dégueuler). X me dit : « En tant qu’associé ça me rassure sur ses compétences d’entreprenariat. » Je demande à Dominique (Dalcan) si après son tube des années 90, il n’a pas eu envie de poursuivre dans ce registre, d’en faire un deuxième. Dominique me répond que non, qu’il a le seppuku comme trademark. J’ai adoré cette réponse. Alain (Chamfort) me raconte que quand il se remet à composer après un certain temps, il doit se débarrasser de ses mauvaises habitudes a

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Writer’s life (35) Une photo de ma mère dans son pull rouge. Entouré de ses trois soeurs et de ses parents. Plus personne de cette photo ne vit aujourd’hui. Moi, j’étais ce petit garçon inespéré qui courrait dans leurs pattes. Voilà mon identité : le garçon inespéré. Travail sur des musiques qu’on m’envoie pour en faire des chansons. Ce n’est pas tant une question d’écrire un truc extraordinaire ou pas, que d’approcher au plus près ce que révèle l’âme d’un son et y mettre les mots justes. C’est comme une relation amoureuse. Parce qu’au départ dans une rencontre, l’inconnu, l’inédit vous résiste. À un moment, vous vous impliquez tellement que si cette personne continue de vous résister, et bien tant pis pour elle, c’est qu’elle n’avait rien pour vous et vous rien pour elle. Avec une musique, c’est le même procédé. Je mets mon coeur dans la balance à chaque fois. Si ça ne prend pas, je garde mon chagrin pour moi (qu’il soit insurmontable ou léger), ou j’arrive à m’en foutre totalement et

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Writer’s life (34) Le problème avec cette mise en avant de soi aujourd’hui, c’est qu’il y a un brouillage permanent entre : “Faire son intéressant” et “Être intéressant”. Coups de fil, sollicitations, dédicaces, rencontres, dîners littéraires, mon carnet de bal de la rentrée se remplit à vue d’œil. Je n’arrête pas de penser aux derniers jours avec ma mère. Quand je l’ai conduite à la clinique, pour faire vite j’ai pris l’autoroute. Si j’avais su que ce serait son dernier voyage j’aurais pris le chemin qu’elle aimait tant, celui qui longe la Seine. Je n’arrive plus à me remémorer si j’ai fait vite pour la soulager ou par pur égoïsme. Je crois que c’est la première option mais avec le temps n’en suis plus si sûr. Je vois les choses en noir car si j’essaie toujours d’approcher leur bonté je suis loin d’avoir la force, le courage, la volonté, le sens pratique, l’adhésion à ce monde, de mes parents. Je n’arrive jamais à être à la hauteur de qui ils étaient. J’étais à un dîner l’autre soir e

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Writer’s life (33) Dans le métro, un petit garçon affirme à ses potes que la station Bel Air vient de la série Le prince de Bel Air. Présentation devant les libraires de la rentrée littéraire Robert Laffont à la Société des Gens de Lettres. L’idée de Laetitia était que chaque auteur arrive sur 1 musique en lien avec son roman. J’avais choisi « Kiss » de Prince. J’ai tenté un moonwalk en arrivant, ce qui est assez audacieux sur du Prince. « Kiss » parce que mon roman tourne autour d’un baiser. Si ce roman donne envie d’embrasser, c’est bien. Un baiser donné ou un baiser qui n’a pas eu lieu comme dans ce poème très court de Richard Brautigan que j’adore : « The phantom kiss », et que je rattache aussi à l’univers de mon roman. Un baiser qui a eu lieu, aura lieu, ou peut-être jamais. Tous les temps de l’indicatif, du passé et du futur, pour un baiser. Dans une interview qui date de 1997, au tout début de la frénésie pour internet, on interroge Prince sur les sites qu’il aime visiter. Il r

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Writer’s life (32) Sarah Manguso : « I’d like to meet someone whose passage through life has been continuous, whose life happened to an essential self, and not been just a series of lives happening to a series of selves » Cette phrase m’évoque une conversation avec Claire l’autre jour, elle me disait qu’elle avait l’impression d’avoir vécu d’innombrables vies dans une seule existence et moi je lui disais que j’avais l’impression de traverser la vie en restant toujours qui je suis, je veux dire : aucune différence entre celui qui écrit cette note et le lycéen qui noircissait des pages de lettres d’amour à la place de ses devoirs à destination d’une fille parmi toutes les filles et qui était à la fois très entouré et profondément solitaire. Avec Sylvie et Adeline, on parle des hôtels pour le salon du livre de Vannes. Je leur dis que je suis au Best Western et elles m’apprennent qu’elles sont au Kyriad. «On est pas très loin, dis-je. Les deux hôtels se touchent. Enfin, ils se touchent, il