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Writer’s life (35)

Une photo de ma mère dans son pull rouge. Entouré de ses trois soeurs et de ses parents. Plus personne de cette photo ne vit aujourd’hui. Moi, j’étais ce petit garçon inespéré qui courrait dans leurs pattes. Voilà mon identité : le garçon inespéré.
Travail sur des musiques qu’on m’envoie pour en faire des chansons. Ce n’est pas tant une question d’écrire un truc extraordinaire ou pas, que d’approcher au plus près ce que révèle l’âme d’un son et y mettre les mots justes. C’est comme une relation amoureuse. Parce qu’au départ dans une rencontre, l’inconnu, l’inédit vous résiste. À un moment, vous vous impliquez tellement que si cette personne continue de vous résister, et bien tant pis pour elle, c’est qu’elle n’avait rien pour vous et vous rien pour elle. Avec une musique, c’est le même procédé. Je mets mon coeur dans la balance à chaque fois. Si ça ne prend pas, je garde mon chagrin pour moi (qu’il soit insurmontable ou léger), ou j’arrive à m’en foutre totalement et je passe au projet suivant.
Élections Sacem. Je me fais engueuler par mes fervents soutiens parce que je ne fais pas une campagne hyper visible et active. Franchement, quand je reçois les messages et les boniments de personnes qui me parlent comme si on se connaissait depuis toujours, uniquement parce qu’ils sont en campagne, ça a vraiment tendance à me déprimer. Mon côté Holden Caulfield, sans doute.
Avec Pascal l’autre jour, on parlait des vertus (ou des verrues) du succès. Du temps que cela prend pour qu’on oriente l’éclairage quand vous n’êtes pas d’une dynastie (le goût français pour les dynasties) ou d’un club spécifique. Quand j’en vois qui courent derrière les honneurs comme des lévriers derrière un leurre, bien leur en fasse. Pour moi, c’était chouette quand j’avais mes parents parce que je pouvais leur rendre un peu en fierté la liberté qu’ils m’avaient laissé. Mais aujourd’hui ça n’a pas beaucoup d’importance. C’est juste important pour le plaisir que ça procure aux gens avec qui je travaille et parce que nous sommes dans une société où on ne prête qu’aux riches, il est plus facile de faire des choses, d’amorcer des projets ou simplement poursuivre une oeuvre, si vous avez du succès. Ou si on vous identifie comme quelqu’un qui a du succès. Alors, pour cette raison, il faut accepter d’en avoir.

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