Articles

Affichage des articles du juin, 2020

125

Writer’s life (125) Dans le train, un couple avec un enfant me rappelle un autre couple, voire un autre encore, comme si les gens s’emboîtaient selon des caractéristiques bien précises, que leurs rencontres, leurs amours, leurs trajectoires, appartenaient à des boîtes de jeux de société - jeux d’aventures, de construction, de stratégie, voire de hasard - tout parait si bien organisé. La jeune femme est face à moi, à trois rangs de distance. Happée par son téléphone. Mon regard détaille la finesse de son cou, de ses poignets et ses mains, ses yeux noirs en amande, ses cheveux bruns coiffés en chignon, et puis sur un voyage de plus de deux heures il y a toujours l’extraordinaire moment de libération (de ses cheveux) (avant de s’endormir). Elle me rappelle tout à presque une fille dont j’étais épris - il y a des années - et le type qui est avec elle est la réplique à l’identique du type avec laquelle cette fille merveilleuse et éblouissante a fini par se marier (

124

Writer’s life (124) Quelques journées et nuits de profond abattement (que je dissimule plutôt bien), peut-être parce que je sors de l’écriture d’un roman de trois cent pages, de l’espace utopique de ce roman qui, comme le dit Michel Foucault dans « Les hétérotopies », est « la tente d’Indiens dressée au milieu du grenier » , et quand vous sortez d’un espace utopique comment ne pas trouver le retour au réel profondément décevant ? Toutes ces choses où ma marche de manœuvre est si faible. Tellement réduite. Même si c’est un espace préférable/ utopique, il y a aussi que la forme fixe d’un roman est tuante parce qu’avec le temps on a toujours envie de dire les choses autrement, différemment. Le but serait donc d’atteindre une forme invariable à lecture, mais ce n’est jamais satisfaisant. Je retombe sur un passage de « Pagaille Monstre » que j’aime bien. La scène de baise du chapitre 69 (Yeppie !) J’aime bien l’histoire de la panthère qui manierait l’usage du fume-cigarette (sorte d’homm

123

Writer’s life (123) Toujours de fortes douleurs dans le bras (de ma chute dans l’escalier pendant le confinement), toujours de vives douleurs dans le coeur (de tout ce dont je me languissais et qui a été sucré à cause du confinement). Retombé sur l’édition Pocket de « Warum » de Pierre Bourgeade qui m’avait beaucoup plu à sa sortie quand j’étais jeune homme (il faut comprendre que quand je dis : quand j’étais jeune homme, disons, vers trente ans). La dernière phrase du livre est admirable : «Il me fallait écrire pour sortir de cet enfer. Écrire. Écrire. Écrire. Écrire un roman. Y jeter ma jeunesse, mon désir, ma force. La nature du roman, c’est la survie. » Hum ! Appel de Charlotte qui me dit qu’elle a pitché mon prochain roman lors d’une réunion éditoriale et que cela a été accueilli très favorablement. Appel de J.B. que j’avais rencontré à Morges et qui me propose de participer à l’écriture d’un spectacle. Je lui dis que j’ai déjà tellement de travail en cours, mais si j’arrive à me

122

Writer’s life (122) Rendez-vous avec une jeune femme et son manager qui veulent que j’écrive des textes de chansons. Honnêtement je n’arrive pas trop à me projeter, à voir ce que ma participation peut apporter de +. C’est drôle pour avoir fait depuis, disons, près de 20 ans une centaine de rendez-vous dans le genre, je sais que c’est une question d’inspiration. De flamme immédiate. Il y a des gens qui ne vous inspirent rien. C’est comme ça. Comme dans la vie de tous les jours. Des gens qui vous font peu d’effet, et sur lesquels vous faites peu d’effet. S’obstiner est juste une perte de temps. Bref, comme je décline poliment, le manager avance un argument imparable, le nombre de vues qu’a fait sa protégée sur youtube, le nombre de followers qu’elle a sur Instagram. Ok. Pour ma part j’ai fait un texte sur une chanson qui totalise + de 50 millions de vues ? Est-ce que j’emmerde les gens que je rencontre avec ça ? Non. (D’autant que je sais que je n’y suis pas pour grand chose / malgré un

121

Writer’s life (121) Les rues de Paris. Il est sans doute dans la nature de la jeunesse de se croire immortelle. C’est ce qui en fait sa passion, sa puissance. Mais se croire immortel n’a jamais voulu dire mettre en péril la vie des autres. Rodolphe me parle du projet d’un nouveau disque, pour le moment un peu en stand by faute de matériel convaincant (paroles & musique). Il faut que je retrouve une viscéralité égale à celle qu’on ressent à l’écoute de « Comme elle se donne. » Sur ce disque, il y avait des chansons comme «Au plaisir » ou « La prémonition », alors on aime ou aime pas, c’est une affaire de goût, mais le fait est qu’à mes yeux elles sont inattaquables, je veux dire défendables, parce que viscérales. Rodolphe me parle d’un rendez-vous qui pourrait accélérer les choses, prévu à la fin de l’été. Ce qui est bien dans ce genre de projets, c’est que ça prend du temps mais ça peut aller vite. Si je cherche à savoir comment un roman entraîne le suivant, je dirais que je che

120

Writer’s life (120) Donnez moi une pièce vide et j’ai envie de mettre des livres partout. Quand j’ai eu un grand appartement à Paris, disons soixante mètres carrés, ça n’a pas duré longtemps, je vivais tellement au-dessus de mes moyens, j’ai acheté une grande table. Pour la première fois de ma vie, une super grande table, dans un bois sombre, très beau, et je me suis dit : ah, je vais pouvoir inviter des gens à dîner, je vais pouvoir enfin rendre les invitations. Résultat des courses en quatre ans je n’ai jamais invité personne à dîner, et au bout de trois jours la table était envahie d’une grande quantité de livres. C’est le style de vie que j’aime je suppose. Les livres, la porcelaine anglaise, et la pop culture parce que la pop culture est le berceau de mon enfance. Vu la très bonne série de reportages sur le magazine Rolling Stones. J’ai eu une sorte de débat avec Jade pour savoir si les filles étaient plus jolies dans les années 60 ou aujourd’hui. Elle dit les années 60 parce qu

119

Writer’s life (119) Zoé me dit, avec une mélancolie teintée de découragement : «Tu sais, j’ai l’impression que pour plaire à un homme il faut en avoir plusieurs » Envoyé à Evelyne ma nouvelle inédite écrite le week-end dernier pour le recueil Livres en vignes, et à Thomas du CROUS le projet de recueil fait d’après les travaux des étudiants que j’ai eus à Nancy en atelier d’écriture en janvier et février derniers. Il y a vraiment des trucs remarquables, poèmes et textes. J’ai écrit de courts avant-propos plutôt fun de mise en situation, expliquant par exemple que j’avais demandé aux participants de faire un haïku sur un épisode pathétique de ma vie d’étudiant, une sombre histoire de dénonciation, de Bounty et de jolie fille. Triste en apprenant la mort de la chanteuse Vera Lynn (103 ans c’est inéluctable, j’imagine), le jour du 80ème anniversaire de l’appel du 18 juin. Je n’écoute pas beaucoup de musique quand j’écris, mais pour le dernier chapitre des Jonquilles de Green Park, j’écouta

118

Writer’s life (118) Saint-Germain-des prés ressemblait aujourd’hui à un programme ciné qui mêlerait les films de Don Siegel et François Truffaut : L’invasion des profanateurs de sépulture et L’homme qui aimait les femmes. À la sortie du confinement, de l’agressivité partout et parallèlement pléthore de jolies filles lâchées dans le quartier. On ne sait plus où donner du coeur. Au café avec Agathe et Zoé, Agathe prétend, en prenant l’exemple de son mari, que quand on prend des cours de boxe, le physique se transforme au bout de trois semaines. Wah !Je demande : « Est-ce que ça marche aussi avec les cours de piano ? Cela me plairait beaucoup. », «En jouant debout, peut-être, propose Zoé, comme Elton John ». « Ah, zut, dis-je, si au bout de trois semaines de piano, on a le physique d’Elton John… Hum… » Beaucoup d’idées et de projets d’écriture, j’essaie de trouver la justesse (tout le temps, c’est mon souci principal) et aussi je pense à cette phrase qui illustre un

117

Writer’s life (117) « Punaise mayonnaise ! » comme s’écrie Tante Oupelaoupe dans Alcie. J’ai appris l’autre jour que Chateaubriand aurait rédigé quelques pages de ses Mémoires, dans le parc du Château de Verneuil-Sur-Seine quand il séjournait chez M. de Tocqueville. Parc qui servait de cour de récréation à l’établissement Notre Dame de Verneuil où j’ai été scolarisé pendant 4 ans. Aurais-je croisé lors de mes errances quotidiennes dans ce parc, le fantôme de François-René qui m’aurait soufflé sans que je m’en aperçoive consciemment : « Mon garçon, dans une trentaine d’années tu me consacreras un roman! ». Ce qui serait des + épatant, c’est qu’il ait écrit précisément le court passage dont je m’inspire pour bâtir « La petite sonneuse de cloches », à savoir sa nuit passée dans l’abbaye de Westminster, et sa délivrance au matin par une jeune anglaise avec qui il échange (ou pas vraiment, ou pas tout à fait) un baiser. Une sorte de photographie de mon adolescence dans le parc de Notre-Dam

116

Writer’s life (116) Je ne sais pas si c’est l’influence ou la pression envahissante de ce jour de la fête des mères, mais je suis en train de travailler sur la fin d’un nouveau roman (pour l’année prochaine) (60 000 mots en trois mois, voilà, c’est bientôt terminé) et tout d’un coup, je me vois, enfant, sur le parvis de l’église de Verneuil-sur-Seine après avoir assisté à la messe avec ma maman, je regarde l’heure, 12h04, c’est tout à fait cohérent, ce flash correspond à l’heure qu’il était et qu’il est, et, si je creuse un peu cette image qui surgit, je peux revivre nos courses au marché sur l’esplanade à côté, l’effervescence et le climat de ce marché, je peux retrouver l’ordre exact des étales qui se succèdent, le poisson rouge que je choisis et qui va se retrouver dans une petite poche en plastique gorgée d’eau, la file d’attente devant la boulangerie en contrebas, l’odeur de la voiture, l’odeur du parfum de ma mère (Opium, d’Yves Saint-Laurent) et je peux revivre le trajet jusqu’