117

Writer’s life (117) « Punaise mayonnaise ! » comme s’écrie Tante Oupelaoupe dans Alcie. J’ai appris l’autre jour que Chateaubriand aurait rédigé quelques pages de ses Mémoires, dans le parc du Château de Verneuil-Sur-Seine quand il séjournait chez M. de Tocqueville. Parc qui servait de cour de récréation à l’établissement Notre Dame de Verneuil où j’ai été scolarisé pendant 4 ans. Aurais-je croisé lors de mes errances quotidiennes dans ce parc, le fantôme de François-René qui m’aurait soufflé sans que je m’en aperçoive consciemment : « Mon garçon, dans une trentaine d’années tu me consacreras un roman! ». Ce qui serait des + épatant, c’est qu’il ait écrit précisément le court passage dont je m’inspire pour bâtir « La petite sonneuse de cloches », à savoir sa nuit passée dans l’abbaye de Westminster, et sa délivrance au matin par une jeune anglaise avec qui il échange (ou pas vraiment, ou pas tout à fait) un baiser. Une sorte de photographie de mon adolescence dans le parc de Notre-Dame-de Verneuil. En 2006, j’ai écrit un texte de chanson qui s’appelle « Le parc où l’on s’aimait » pour Pierre (Guimard) qui, lui aussi, quelques années après moi, a été scolarisé à Notre-Dame-de-Verneuil. Nous avions ce parc en commun. Avec Chateaubriand, maintenant. Dans cette chanson, il y a un truc que j’aime bien, le rejet du 1er sur le 2ème couplet. (On peut l’écouter sur Spotify, Deezer, etc.) Ça fait : «Il y a une ville derrière la gare / une banlieue dans tes yeux / et l’arrêt des cars où tu m’as dit je veux… », «…bien que tu m’embrasses encore / je n’ai pas manqué le sport / pour me croiser les bras au fond de tes yeux. » La chanson n’a pas trop mal vieilli. Pretty good job. À chaque fois que je termine l’écriture d’un roman, une puissante mélancolie que rien ne peut guérir s’empare de moi. Tristesse de + en + violente avec les années. Dépossédé d’un territoire, chassé d’une espérance, on vient vous chercher pour vous dire : voilà, il faut arrêter de jouer dans ta chambre. Enfin, on ne vient pas vraiment vous chercher. Si c’est réussi, c’est la chambre elle-même qui vous fout à la porte. Tous ces débats qui agitent le microcosme : Qu’est-ce qu’écrire ? Qu’est-ce que la littérature ? Qu’est-ce qu’un écrivain ? En ce qui me concerne, hors de tout snobisme je dirais que si vous avez déjà voulu être enfermé dans une de vos phrases, je veux dire si une de vos phrases est un monde idéal ou un monde + valable que celui que vous renvoie le mur exténuant de la réalité - contre lequel, il est doux parfois, d’envoyer et de renvoyer une à deux balles neuves - si vous écrivez une phrase qui peut contenir vos puissantes baisses de moral et dans laquelle vous voudriez être projeté, et bien il se peut, à mon sens, que vous soyez écrivain. D’au moins une phrase. Ce qui est déjà considérable. Dans la matinée, j’’assiste à une réunion avec un type qui dit : «Ça va nous permettre d’élargir l’assiette des possibilités. » Je me suis vu à table, un couteau et une fourchette à la main, devant une assiette qui n’arrêtait pas de prendre des proportions véritablement inquiétantes. Comme je ne peux pas intervenir tout le temps, je me suis tu mais j’aurais adoré demander : «Est-ce que par hasard, il s’agirait d’une assiette à dessert ? » #writerslife

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

159

153

151