Articles

Affichage des articles du mai, 2020

115

Writer’s life (115) Patauds, oublieux d’eux mêmes, se prenant pour les rois du monde (ou du trottoir), inconscients du danger qu’ils peuvent faire subir aux autres…est-ce que la période actuelle me rend + sensible au comportement de nombre de mes contemporains, ou bien ai-toujours trouvé que beaucoup de personnes ne savaient pas se tenir ? Si j’avais du temps à perdre j’appellerais toutes les sociétés qui m’envoient mails et textos pour célébrer la fête des mères, dans le genre «Trouvez le cadeau pour la combler de bonheur », pour leur dire : « Vous m’avez envoyé un mail, mais il doit y avoir erreur, ma mère est morte depuis six ans. » Ce serait une démarche assez surréaliste et drôle, si je puis dire. Je travaille sur mon prochain roman à la manière de ce que je dis/montre/imagine de Giacometti dans 37, étoiles filantes. Parfois il travaillait avec modèle, parfois sans modèle. Disons que les périodes de confinement où le mouvement, les entailles, les apparitions, les éclaircies, telle

114

Writer’s life (114) J’adore la phrase de Lemony Snicket qui dit qu’un livre est comme la bouche d’un alligator, et que si vous en voyez un ouvert il y a de très fortes chances pour que vous finissiez par disparaître à l’intérieur. C’est une très bonne façon de concevoir les livres, à la fois pour le lecteur et pour l’écrivain. Gilles de la librairie Le Marque Page m’a envoyé un très beau livre de Jacques Poulin, seule lecture qui m’a donné un peu d’espoir pendant ce confinement et, après Aurélie de la librairie La Pléiade, Brigitte, Frédéric et d’autres libraires, je reçois ce matin un message adorable de Florence et Alexandre de la librairie PortMaria à Quiberon qui me disent simplement que leur librairie à réouvert aujourd’hui et qu’ils vont se faire un plaisir de défendre mes livres. C’est merveilleux ce lien entre les libraires et les auteurs, je trouve que ça redonne beaucoup d’espoir, au même titre que la fidélité des lectrices et des lecteurs, ça empêche de tomber parfois dans

113

Writer’s life (113) Interview de Tatiana dans le JDD qui déclare que « se confiner a été comme un deuil », et qui parle de la situation difficile des auteurs. Je trouve ça très juste, cette idée de deuil soudain. Je dirai aussi que le confinement a pu être vécu par certains comme une avant-première de la mort, une sorte de pilote, dans le sens où nous avons dû endurer l’interruption soudaine de tout ce que nous aimons, qui nous fait nous sentir vivant, les rencontres, les bonheurs fragiles, l’entourage mouvant, les habitudes prises avec une telle ou tel autre ainsi que des pierres précieuses dans le grand bla-bla inutile des quotidiens, et pour chacun d’entre nous certainement un style de vie patiemment et hautement conquis. Sarah me disait l’autre jour que pour le gouvernement un artiste c’est un intermittent du spectacle et point barre. Que les gouvernements ne comprennent pas qu’il peut y avoir des artistes qui ne rentrent pas dans le cadre : intermittents du spectacle. De toute faç

112

Writer’s life (112) Trois semaines que je me réveille toutes les nuits avec des douleurs atroces dans le bras (chute dans l’escalier). Je n’ai pas voulu encombrer les urgences et pense que je n’ai rien de cassé du moment que j’arrive à jouer Moon River au piano (c’est mon test), mais j’irai quand même voir un ostéopathe cette semaine si cela persiste. Rêvé que j’allais chez le chanteur Christophe qui habitait sur une île. Un rêve avec une super péripétie finale (que je vais sans doute mettre dans un de mes projets en cours) (Alcie 3 ?) Rien à voir donc avec le moment passé ensemble à Londres aux Olympic Studios. J’ai retrouvé ce que j’en avais écrit dans mon Journal de janvier 2008 : «Londres. Soirée hors du temps, comme si j’étais dans l’atelier d’un peintre. Nous avons d’ailleurs souvent évoqué Giacometti et Egon Schiele dans nos conversations au cours de la nuit. » C’est drôle de savoir que dix ans plus tard j’écrirai un roman : 37, étoiles filantes, dont le héros est Giacometti.

111

Writer’s life (111) J’envie - façon de parler, l’envie n’est pas un sentiment qui m’intéresse - les personnes qui ont été créatives pendant cette période. Je suis dans le camp de celles et de ceux que ça a complètement anéanti, empêché, démoralisé. Je ne me souviens pas avoir été autant empêché, brûlant d’incapacité. Bonheur de recevoir la totalité des dessins de Fred pour la suite d’Alcie qui sortira le 12 novembre. Ce lancement fichu du premier tome le 12 mars est une des choses dont je n’arrive pas à guérir, toute cette impatience, ce travail pendant des semaines et des mois qui a été stoppé net. Ça rejoint la liste des choses inguérissables (si je dois faire une liste, comme Tommy Bradford, mon héros des Jonquilles de Green Park, des + et des - de chaque journée). Je crois que les choses dont on guérit sont quand même plus nombreuses que les choses inguérissables, et c’est peut-être, en cela, que réside la véritable tristesse. J’ai guéri à tant