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Writer’s life (113)
Interview de Tatiana dans le JDD qui déclare que « se confiner a été comme un deuil », et qui parle de la situation difficile des auteurs. Je trouve ça très juste, cette idée de deuil soudain. Je dirai aussi que le confinement a pu être vécu par certains comme une avant-première de la mort, une sorte de pilote, dans le sens où nous avons dû endurer l’interruption soudaine de tout ce que nous aimons, qui nous fait nous sentir vivant, les rencontres, les bonheurs fragiles, l’entourage mouvant, les habitudes prises avec une telle ou tel autre ainsi que des pierres précieuses dans le grand bla-bla inutile des quotidiens, et pour chacun d’entre nous certainement un style de vie patiemment et hautement conquis.
Sarah me disait l’autre jour que pour le gouvernement un artiste c’est un intermittent du spectacle et point barre. Que les gouvernements ne comprennent pas qu’il peut y avoir des artistes qui ne rentrent pas dans le cadre : intermittents du spectacle. De toute façon c’est compliqué car souvent ne pas rentrer dans le cadre est ce qui différencie les artistes des faiseurs. Ça m’a fait penser à cette déclaration du peintre Francis Bacon sur le cinéaste Eseinstein : "Ses ennuis ont été considérables et c'est cela, au cinéma, que je n'aurais pas pu faire : Être obligé de dépenser tant d’énergie seulement pour parvenir à réunir les conditions matérielles de la création. Il faut déjà tellement se bagarrer avec ce que l'on fait, alors chercher de l'argent, lutter pour cela..." Derrière l’indéniable vérité (mieux que la vérité, la justesse) du propos, ce qui me plait dans la phrase de Bacon, c’est : « Il faut déjà tellement se bagarrer avec ce que l’on fait », je trouve ça très beau, très revigorant. J’ai l’impression que se lancer dans l’écriture d’un roman ce n’est que ça. Rejoindre une bagarre qui n’aurait pas pu se faire sans nous. Où tous les coups sont permis, un jour on en donne, un jour on en prend, on peut en sortir complètement K.O., et ceux qui pensent s’en tirer victorieux et intacts n’ont participé que de très loin au combat qui se jouait. Aux premières lignes et à chaque ligne.

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