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 Writer’s life (159)

"Selon Proust, les meilleurs paradis sont les paradis perdus. C'est une phrase célèbre à juste titre. Je me permets d'ajouter qu'il existe peut-être des paradis encore plus fascinants : ceux qu'on n'a jamais vécus, les lieux et les aventures qu'on entrevoit, là-bas. Pas derrière nous, comme les paradis perdus qui rendent nostalgiques, mais devant nous, dans l'espoir qu'un jour peut-être, comme les rêves qui se réalisent, on arrivera à les atteindre, les toucher. Le charme du voyage réside peut-être dans cet enchantement, cette nostalgie paradoxale du futur. C'est la force qui fait imaginer ou croire qu'on fait un voyage et qu'on trouvera, dans une gare inconnue, quelque chose qui changera notre vie. On cesse peut-être d'être jeune quand on ne fait que regretter, aimer seulement le paradis perdus."

J’adore cette pensée de Marcello Mastroianni dans un doc qui lui était consacré et que j’ai retranscrite pour l’épigraphe de mon roman sorti en 2013 chez Stéphane Million éditeur, Le voyage près de chez moi. C’est tout ce qui me pèse dans ce confinement, l’impossibilité du voyage, de poursuivre une création qui n’est jamais plus vivante que dans le mouvement. Aujourd’hui où grâce m’est faite d’être toujours sollicité pour de nombreux projets, mon plus grand effort n’est pas d’écrire, d’inventer, de créer, mais d’empêcher que la création soit marquée par le surplace, le confinement, et que ce qui sort de ma table de travail ne sente pas le renfermé. Et même si dans le voyage près de chez moi, il s’agissait d’un voyage d’une rue à l’autre, à Paris. Le narrateur déménageait à une rue de chez lui, avec un petit caddie jaune qui ressemblait à un Yellow Submarine rempli à ras bord de souvenirs et il n’avait plus que quinze jours pour avouer à sa voisine qu’il était fou amoureux d’elle. C’était une petite comédie littéraire et romantique qui aurait été épatante au cinéma, une sorte de croisement idyllique (dans le projet) entre François Truffaut et Richard Curtis, mais pour une raison que j’ignore aucun de mes livres n’a encore été adapté au cinéma, alors que j’ai toujours l’impression qu’ils seraient parfaits pour ça. Sans doute ne suis-je pas accompagné ou suivi dans cette perspective, alors je fais profil bas, mais quand j’y repense je me dis que cette histoire aurait fait un super film. Le roman est épuisé, et peut-être qu’il sortira un jour en poche, sait-on jamais. Si un jour j’ai un succès indiscutable sur un truc ou un autre, peut-être que tout s’accélèrera d’un coup. Ou peut-être que cela n’arrivera pas. En tout cas, ce soir, je retombe sur cette citation de Marcello placée en épigraphe de ce roman et je me dis : vivement que revienne le temps des petits voyages, la jeunesse retrouvée. Comme je le disais l’autre jour à Adeline, cette époque, cette année, on nous vole notre jeunesse mature. 

#writerslife

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