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Writer’s life (96) Quand mon père est mort pendant la canicule de 2003, je me souviens qu’à un moment ils l’ont renvoyé à la maison. Plus assez de lits à l’hôpital. Bien sûr, lui, il était heureux comme un gosse de pouvoir revenir à la maison. Mais ça n’a pas duré longtemps. Il a eu des hallucinations à cause de la morphine ou de ce qu’on lui administrait contre la douleur. Ma mère a dû lutter toute la nuit pour qu’il ne rompe pas les fils qui le maintenaient en vie et ne tombe pas de son lit. Ce fut une véritable lutte. Elle était seule. Dès le lendemain, on ramenait mon père à l’hôpital où déjà, en 2003, faute de moyens, on entassait les gens dans les couloirs. Message de Sarah qui s’inquiète que je sois privé de ressources pendant cette période. J’avais heureusement un peu de sous de côté. J’ai toujours vécu au dessus de mes moyens, même si je dois faire preuve de réalisme depuis la mort de mes parents et me dire qu’il n’y aura personne de légitime pour m’aider en cas de coup dur. Le premier truc réaliste a été de rendre mon appart à Paris, un an après la mort de ma mère, appart dont le loyer était, bien évidemment, exorbitant. Et puis, je pense souvent à cette phrase de bon sens qu’elle répétait : « Plaie d’argent n’est pas mortelle ». Il y a un phénomène de petite mort avec les personnes que vous avez l’habitude de voir, croiser, qui font partie de votre écosystème sensible. On se dit zut c’est une preview de ce qu’on va vivre dans quelques dizaines d’années, sauf que peut-être on ne le ressentira pas autant, à moins d’errer en fantôme nostalgique, entre deux mondes. Nous vivons un aperçu, une preview de l’interruption définitive. Alors on se dit : ah les personnes qui sont essentielles à mon séjour dans ce monde, dès que tout ça sera fini je vais le leur dire, et les personnes que j’adore fréquenter ou croiser dans ma vie je vais leur dire, et les personnes auxquelles je pense plus de deux fois par jour je vais leur dire, et les filles à qui j’ai envie de faire l’amour je vais leur dire…Heureusement, reviendront au moment des retrouvailles, les barrières et les empêchements qui sont, peut-être au final, bien utiles en temps normal. #writerslife

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