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Writer’s life (99) Ce virus qui nous punit de nous asseoir à-côté, et le temps qu’il nous plait, des personnes qui nous plaisent. Difficile d’écrire et d’intégrer ou de rejoindre ses fictions personnelles quand le quotidien nous plonge dans un scénario collectif digne de la science fiction. De + en + de connaissances ou d’ami(e)s contaminé(e)s. Même sortir faire quelques pas commence à me décourager (moi qui avais l’habitude de traverser Paris plusieurs fois par jour, et d’y trouver dans le mouvement, ou l’obsessionnalité, de mes pensées, et les visages rencontrés, matière à inspiration.) Il y a deux jours, au Journal télé un journaliste a interrogé une vieille dame dans la rue, lui a demandé si elle avait son attestation de sortie. La dame a répondu que non, elle n’était pas au courant, puis elle a demandé en retour, la voix pleine d’un espoir déçu par avance : «Ça veut donc dire que le café est fermé ? ». Elle a rebroussé chemin avec tristesse. Je ne sais pas pourquoi ce court moment m’a brisé le coeur. Peut-être parce que j’ai imaginé sa solitude, estimé que ce petit tour au café était l’unique luxe de sa journée, peut-être parce que tout ce qui concerne les personnes âgées me renvoie aux dernières années de ma mère, et même si je lui téléphonais plusieurs fois par jour et allais lui faire ses courses trois fois par semaine - moins de peur qu’elle manque de quoi que ce soit que pour ne pas qu’elle ressente une trop grande solitude. Cette séquence, qui m’a ému donc, je la retrouve dans l’émission Quotidien, un jour après, sous un angle tout différent. Le commentaire et les journalistes sur le plateau se moquent de la vieille dame, dans le genre : «Ah la vieille roublarde qui essaie d’échapper au contrôle ! » Là où j’y ai vu la dureté de sa condition de vie ils n’ont vu - et ne font voir - que tricherie mensongère. C’est étrange comme une même séquence peut provoquer deux sentiments/interprétations quasi contradictoires. Peut-être est-ce moi qui suis trop naïf, trop sensible, qui sait, et, en même temps, je m’en voudrais de voir le monde en permanence sous l’angle de l’ironie, de la dissimulation, et du ricanement. #writerslife

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