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Ma vanne de la journée : je prends un café chez une amie qui peste contre sa machine à laver, je lui dis : tu connais le seul point commun entre la machine à laver et les mecs ? Je ne connais aucune fille qui est satisfaite de sa relation.
Fin d’après-midi à préparer ma nouvelle semaine d’ateliers d’écriture à l’école « Les mots » (huit nouveaux participants).
Aude m’offre le « Petit éloge du surf » de Joël de Rosnay. Elle me dit : J’ai hésité à te le donner car je t’imagine mal sur une planche de surf ». « Pardon ? » « Oui, confirme-t-elle, je t’imagine plutôt sur un sac avec une guitare ». « Sur un sac avec une guitare ? » Aude se défend d’avoir prononcé le mot sac, mais j’ai entendu « sur un sac avec une guitare », comme une sorte de hobo, quoi. Il y a dans ce « Petit éloge du surf » une photo totalement érotique de Joël qui en 1963 donne une leçon de planche à Catherine Deneuve. C’est une raison valable, j’imagine, de laisser un océan vous engloutir aux trois quarts. J’aime aussi sa théorie de la glisse qui sert pour la vie de tous les jours. Il y a ceux sur qui tout glisse (façon Le feu follet) et ceux qui choisissent de « savoir glisser, plutôt que de se confronter aux objets, aux organisations, aux institutions ou aux gens » . Contrairement à ce que suppose Aude, je pense être un grand athlète du surf, dans les rapports avec ces gens qui de mon point de vue sont obtus, violents, teigneux, naturellement jaloux, fourbes, paranoïaques, peu fiables, incompétents, méprisants (la plage est bondée tout d’un coup), ou desquels il vaut mieux se préserver pour sa propre santé, et puis, chaque jour, n’essaie-je pas de dompter la vague de l’inspiration, en quelque sorte ? Je cherche, comme chacune et chacun, les vagues qui me concernent dans l’océan des rencontres. J’ai laissé plusieurs fois l’amour me submerger tout à fait, et j’ai réapparu, vivant, un peu plus loin.

Je vais prendre le thé chez une amie qui me propose un fauteuil dans lequel je m’assois et là, j’ai l’impression que le siège va s’affaisser jusqu’au parquet. Elle me dit : c’est le fauteuil dans lequel s’est récemment assis X, me citant le prénom d’un écrivain-journaliste (oui, ça existe, il paraît que l’imaginaire de l’un supplée la berlue de l’autre), et je me demande si ce type (assez connu) a défoncé de la sorte d’autres fauteuils chez d’autres personnes . C’est le prototype de l’écrivain au gros cul. Même un fauteuil de style Louis XV ou IKEA se voit automatiquement baptisé par le nom de ce génie contemporain. Moins prestigieux qu’un nom de rue ou de lycée, mais n’est pas Victor Hugo qui veut.
En vitrine de la galerie Paul Prouté à Mabillon, une très belle lithographie de Chagall : Le christ à l’horloge.
Je me demande si, au Jardin des plantes, ils ont fait exprès de mettre un « arbre à mouchoirs » juste après la cage aérienne des pandas roux, tant on a envie de pleurer sur le sort de ces animaux apathiques et enfermés.
En surfant dans Paris, trois idées de romans (qu’il faut que je note avant qu’elles ne foutent le camp avec la rapidité d’un petit fantôme chagrin sous un tas de feuilles), bien que je continue beaucoup à penser au roman que je viens de finir (il m’agite éperdument.)
X qui lit Alcie avec sa fille me téléphone pour me dire : « Tu as sauvé la semaine de ma fille ! Elle avait vraiment eu une semaine de merde (pour résumer : son père se comporte comme un con), et ce soir on lit Alcie et elle a un grand sourire consolateur en tombant sur cette phrase : «On n’est pas responsable de ses parents s’ils font des bêtises ». Ma fille m’a dit « elle est écrite pour nous cette phrase, n’est-ce pas maman ? » Bon, j’essaie de peupler mes livres jeunesse de tas de phrases comme ça, et ce genre de retour justifie, en quelque sorte, mon travail.

#writerslife


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