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Writer’s life (130) Je peux rester de longues minutes à me perdre dans la contemplation de l’univers (de douceur) contenu dans un dessin de Fred Bernard. Pour moi, un roman, c’est la juxtaposition de deux photographies : la photographie de celui que vous êtes au moment où vous écrivez le roman, et la photographie de celui que vous êtes depuis toujours (enfance et adolescence comprises). Atelier d’écriture « Poésie du quotidien » à l’école Les Mots, je propose aux participants un exercice poétique assez cadré, et une des filles lit un truc magnifique. «Wah ! C’est beau ! » dis-je avec jubilation. Elle me répond dans une petite grimace désolée : « C’est beau, mais ça ne respecte pas les règles. » Je réponds : «À partir du moment où c’est beau, on s’en fout un peu des règles. Quand je vois une fille que je trouve jolie dans la rue, je ne vais pas la voir pour lui dire : Mademoiselle, je vous trouve très belle mais vous ne marchez pas sur le passage piétons, ce n’est pas bien, vous ne respectez pas la règle. » « En fait, poursuis-je après un court silence, je ne vais pas la voir du tout cette fille, je la laisse filer en apparence, mais je la garde en moi le plus longtemps possible, et c’est dans ce gouffre ou cette réconciliation entre son passage et mon émotion que réside sans doute l’un des principes de l’écriture. » Moi seul sais ce qui se cache - les mondes engloutis, les espoirs qui s’estompent - derrière chaque phrase qui apparaît et que je note sur un bord de carnet (plutôt qu’un carnet de bord) ou les NOTES de l’iphone, en marchant dans Paris ou dans l’attente d’une rame de métro, comme cette phrase, la suivante : Les fois où je suis le plus triste : Quand même la fiction se heurte, et se heurte violemment, sans possibilités, au mur du raisonnable. #writerslife

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