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Writer’s life (129) Dans l’un de mes ateliers d’écriture à l’école Les Mots je lis un aphorisme de Cioran et une des stagiaires s’exclame spontanément : « Mais ! C’est plein de présupposés faux ! » J’ai adoré ce commentaire parfait, un cri du coeur venant assassiner comme il faut un aphorisme représentatif de l’oeuvre de Cioran. Il y a quelque temps de cela, on m’invite à intervenir dans un stage de formation à de jeunes artistes, je raconte entre autres choses qu’après avoir rencontré un jeune artiste à Astaffort nous décidons ensemble de faire un hit et la chanson se retrouve à la fois en rotation sur NRJ et France Bleue. Je dis ça dans une formulation enlevée, spirituelle mais pas que, « on s’est rencontré et on a décidé de faire un hit », la classe quoi, quand intervient en me coupant la parole une manageuse d’artiste qui me rentre dedans en prenant le truc au premier degré et hurle dans un rire outrancier : «Vous n’avez rien décidé du tout, tu as eu de la chatte c’est tout !». Abasourdi par la vulgarité de cette femme, ma première sensation est la terreur, et puis je me retrouve à vouloir défendre un point de vue que j’ai exprimé pour le style : « Si on sait faire des hits, ou si on rencontre quelqu’un avec qui on se sent capable d’en faire, on peut très bien en faire, je ne vois pas où est le problème ». J’ai envie de battre le fer avec sa connerie, d’empêcher qu’une personne qui n’est pas dans la création me donne des leçons, mais je perds mes moyens, choqué de ce « Tu as eu de la chatte ! » qui résonne en moi comme une attaque très agressive. Je suis sonné par la vulgarité de son attitude et de son expression. Comme si j’avais oublié, depuis un temps préservé, que la vulgarité existe. Et en même temps je suis fasciné par cette personne que j’identifie faisant partie de ces êtres avec qui vous n’échangerez rien dans votre vie tant la répulsion agit des deux côtés. Or, ce qui me fait de la peine après coup, c’est que j’estime être quelqu’un d’hyper bienveillant, et de juste aussi, et je suis toujours en colère quand on m’oblige à ressentir ou exprimer une violence qui n’a pas besoin de ma participation pour être en (sur)représentation dans ce monde. #writerslife

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