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 Je dis à Aude qu’en temps de pandémie les chasseurs devraient laisser tranquilles les chevreuils et tous les oiseaux et tourner leurs fusils en direction des joggers. Le jogger qui vous voit arriver de loin sur le trottoir mais continue obstinément son tracé en soufflant et éructant à tout vent comme s’il était le roi de la route fait regretter de ne pas avoir cette once de monstruosité qu’il faut sans doute pour attraper un fusil et se mettre en joie de pister un renard.

Je peux facilement définir les limites de ma foi en l’humanité : les portes de ma boulangerie. À voir comment les gens se tiennent, se comportent, n’hésitent pas à vous bousculer pour accéder au comptoir ou vous marcher sur les pieds pour se pencher au-dessus des viennoiseries en apostrophant la vendeuse, le manque d’élégance dans les attitudes, le mépris des consignes de sécurité pourtant martelées en permanence, cela donne à penser que si le monde court à sa perte ce sera en jogging et dans l’ordre des choses.
Report de ma semaine d’ateliers d’écriture à l’école Les Mots. Je passe mon temps à défaire mon agenda du mois pour le reporter sur le suivant et ainsi de suite. J’arrive tout de même après la succession de nouvelles déprimantes qui m’avaient coupé les ailes ces derniers mois à retrouver de la vigueur pour entamer de nouveaux projets. C’est le stade de l’ébullition, bientôt les moments d’écriture. C’est quand même dingue toute l’énergie qui n’a rien à voir avec l’énergie qu’il faut pour la création et qu’on vous fait dépenser malgré vous pour tout ce qui est annexe et que de toute façon vous subissez sans pouvoir de décision.
J’ai lu une tribune des scénaristes de cinéma/télé qui demandent à sortir, je cite : « du statut d’esclaves modernes », une autre des auteurs de bande dessinée, sous estimés, payés une misère ou qu’on fait travailler gratuitement pour des projets qui n’aboutissent pas. On pourrait aussi parler des auteurs de chansons. J’aurais bien aimé profiter de mon grand prix Sacem pour sensibiliser un peu en ce sens (avec humour), mais ce prix a eu tellement peu d’opportunités et de retentissement médiatiques que je n’en ai pas eu l’occasion, ce qui au final me libère d’une prise de parole revendicatrice qu’il m’aurait sans doute saoulé d’incarner.

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