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 La joie suit la flèche de l’instant, épouse le présent, le déborde tout le temps. Le chagrin, d’où qu’il vienne, réclame des territoires spécifiques.

Je parle d’un ami qui, chaque fois qu’il est en présence de la patronne du restaurant où nous dînons, frétille de tout son être et s’illumine de l’intérieur. Je dis : c’est comme s’il avait une guirlande électrique de noël autour du cœur, et Lucie me dit : C’est très beau ça, note-le !
C’est assez difficile d’être raide dingue d’une restauratrice parce que si vous tombez amoureux, normalement vous ne mangez plus que des soupirs, l’appétit est coupé, vous renvoyez votre assiette sans y avoir touché et, évidemment, cela peut vexer la restauratrice concernée.
Deleuze dans ses entretiens avec Claire Parnet : “On n’écrit que par amour, toute écriture est une lettre d’amour.” Hum.. Oui. Tous mes romans ont été des lettres d’amour. Le premier, l’amoureux en lambeaux. Le dernier en date, La petite Sonneuse de cloches. Et le prochain aussi : L’âge des amours égoïstes. Je crois comme Deleuze que les livres qui ne sont pas des lettres d’amour n’ont pas nécessité d’être. C’est précisément là que je trouve le taux de magie suffisant qu’il me faut pour supporter la succession des jours, le désarroi et le laborieux, la bêtise et la vanité, la nullité et la violence, l’inconséquence et les ralentissements, la perte et l’absence. C’est là que je trouve un peu de souffle sur le manque de souffle. Les seuls livres qui importent à mes yeux sont des lettres d’amour. C’est ma croyance, et davantage encore que ma croyance, ma pratique, mon usage.

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