207


Ma mère est née en 1926, à Liège. Elle a donc à peine quatorze ans quand les nazis décident de déverser leurs bombes sur sa tête puis d’envahir la Belgique. De la guerre, elle ne m’a pas raconté grand chose, à part l’exode vers la France (sous les bombes), et que c’était atroce et qu’elle en gardait à jamais le dégoût et l’effroi des sirènes d’alerte, mais je crois qu’elle avait un tempérament à franchir les épreuves les plus dures, un tempérament que j’ai donné à la mère de Tommy Bratford dans les Jonquilles de Green Park, mon roman qui se passe aussi en 1940. J’y ai ajouté également un souvenir personnel. Des souvenirs de cette période, il y en a un qui faisait bien rire ma mère et ses trois soeurs. Après les déjeuners de famille dans la maison de Gibecq, pendant que les hommes étaient au salon, fumant des cigarettes, essayant de se raconter des trucs sans rien avoir en commun, le petit garçon que j’étais restait dans la cuisine avec les quatre filles, ma mère et ses trois soeurs, et aidait à essuyer la vaisselle en évoluant dans leur compagnie. Pour se taper des barres de rires, elles n’arrêtaient pas de se remémorer une chose : pendant les bombardements intempestifs des nazis, quand il fallait descendre se protéger, une de mes tantes passait toujours sa tête dans la cave du voisin l’estimant plus solide, mieux à même de parer les obus. Juste la tête, le corps restant dans l’autre partie des caves. À chaque fois ce souvenir faisait rire les quatre sœurs. Évidemment j’ai mis cette anecdote dans Les jonquilles de Green Park. J’essaye toujours que mes livres soient le plus intime possible, j’y égrène (dissémine sans doute par pudeur) des sentiments et des souvenirs. C’est ça qui en fait, sinon des livres valeureux, du moins de la valeur à mes yeux.

#writerslife 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

263

262

153