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Je comprends les personnes qui ressentent la mort de la Reine d’Angleterre comme la fin d’un monde. Hier soir, c’est comme si la pomme du monde avait été coupée en deux à partir de cet instant précis, comme les moitiés de pomme sur les disques des Beatles.
McCartney dans « Her Majesty » (la chanson la + courte des Beatles, un souvenir de Paul qui enfant en 1953 avait gagné un concours d’écolier en écrivant un texte sur le couronnement de la jeune reine) dit : « Her Majesty is a pretty nice girl but she doesn’t have a lot to say ». Ce qui était frappant avec Elizabeth II c’est que sur le peu qu’elle disait, tout faisait sens. Il n’y avait pas de parole inutile. Pas de pathos dégoulinant, de démonstration de vanité, de supériorité ou de leçon de morale comme il peut y en avoir dans nombre de discours, mais son peu de mots reconnectait toujours avec une histoire, un inconscient collectif, un sentiment puissant. Elle savait faire signe de chaque mot. Ainsi dans son discours pendant la période la + dure de la Covid, quand elle dit : « We’ll meet again », est un message fort qui fait référence directement à la seconde guerre mondiale et à la chanson de Vera Lynn : « We’ll meet again ». Une des chansons les plus célèbres de l’époque en Angleterre. Une chanson qui, en 1942, diffuse un message d’espoir, annonce une victoire malgré les pertes et au bout des efforts. Face à la Covid, la Reine envoie ce message d’unité comme en temps de guerre, par ses simples mots et ce qu’ils font resurgir en mémoire : « We’ll meet again. » Vera Lynn est morte le 18 juin 2020 à 103 ans. En France, peu la connaissent, peu s’en soucient, mais j’ai beaucoup écouté une de ses chansons, pas « We’ll meet again » mais une autre de la période de la seconde guerre mondiale en écrivant mon roman : « Les jonquilles de Green Park ». La chanson : « The white cliffs of Dover ». Pour mon dernier chapitre, celui où le héros revient chaque année dans Green Park à la saison des jonquilles, dans l’espoir de revoir Mila, ne sachant pas si elle est vivante ou morte, espérant toujours…En écrivant ce chapitre, j’écoutais en boucle la chansons des falaises blanches de Douvre, j’avais les larmes aux yeux en écrivant et en écoutant la chanson de manière incessante. Je n’écoute pratiquement jamais de musique en écrivant car, dans l’idéal, l’écriture a sa propre musique, j’en suis persuadé et j’en ai fait d’ailleurs un sujet d’atelier d’écriture à l’école Les Mots, mais parfois dans certaines situations, une musique permet d’entrer dans l’état d’esprit d’un texte, de faire naître des mots, comme lorsqu’il m’arrive parfois sur des chansons de travailler sur une musique en essayant d’y faire surgir des images ou quelque chose d’intéressant (à mon goût). Pour la fin des Jonquilles de Green Park, j’écoutais la chanson de Vera Lynn comme un possédé. J’essayais de faire corps avec tout cet espoir insufflé par un pays, une future et jeune Reine, une chanson.
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