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 Ce qui est compliqué aujourd’hui, c’est qu’on demande aux artistes, ou qu’ils n’ont pas le choix, de n’être pas seulement des artistes, mais aussi des rabatteurs. Certains d’ailleurs s’y livrent parfois avec un talent encore plus convaincant que s’ils avaient juste à se présenter sur leur travail.

Dans la rue, un jeune type dit à sa copine : « Généralement les pires expériences qu’on raconte, on en rigole plus tard ». Je me demande s’il commente la fin de leur amour et parle de leur histoire.
Je vis dans une ville où les gens prennent toute la largeur des trottoirs et ne s’écartent pas sur votre passage. Je passe mon temps à me pousser, m’écarter, et m’étonne que mes vestes ne soient pas plus usées d’avoir tant et tant rasé les murs. Mais ça m’arrive aussi sur un autre plan, toutes les fois où j’ai cédé le passage. Il faudrait voir ce que sont devenus celles et ceux qui fonçaient comme si tout leur était dû. Déjà que je mets un point d’honneur à ne pas marcher sur les ombres (ni des gens, ni des arbres).
Mes vacances préférées je les passais avec mes parents, à la maison. Aujourd’hui je peux fermer les yeux pour me resituer dans ce temps disparu. Je ne sais pas comment j’ai eu l’énergie de traverser leurs disparitions successives, devoir prendre tout un tas de micros ou de grandes décisions, débarrasser des garages, vider une maison, des appartements pour ne pas payer de loyers supplémentaires etc. tout en poursuivant un travail non-stop de création.
Comme chaque fois que je termine ou presque termine un roman, bonne attaque de calculs rénaux : sans doute l’intensité, l’énergie dépensée, les fins les débuts, les cafés et les litres de thé ingurgités.
Dans une soirée, un type que je ne connais pas intervient dans la conversation et dit : « ça me fait penser à.… » et commence à me raconter une blague hyper trash. Je suis choqué, pour lui et pour moi. Piqué aussi de me laisser prendre en otage d’une vulgarité dont je me serais bien passé (bon, vous comprenez ça). C’est difficile d’être doté à la fois d’une grande sensibilité et d’une certaine délicatesse. Parfois, j’aimerais garder la sensibilité et perdre en délicatesse pour pouvoir dire aux gens quand même leurs quatre vérités, même si, j’avoue, quatre, c’est peut-être beaucoup.

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