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Il m’arrive de retrouver des petites notes écrites à mon attention de la main de mon père. Dans la précipitation, avant qu’on le conduise une dernière fois à l’hôpital. Celle-ci concerne la voiture. Chaque fois que j’avais un pépin avec ma voiture je l’appelais, parce que je savais que ça lui faisait plaisir de s’occuper de ces choses là pour moi. La mécanique, les choses matérielles, pour lesquelles j’ai si peu de connaissance ou de talent car à chaque fois, pour me sortir d’une embûche, j’appelais mon père. Pas comme un privilège d’enfant unique pourri gâté. Mais parce que je savais que rien ne lui ferait + plaisir de se savoir utile pour moi dans des domaines où il excellait. J’ai gardé la voiture encore dix ans après sa mort, uniquement pour m’occuper de ma maman, la conduire à des rendez-vous cardiologiques, médicaux, faire ses courses deux fois par semaine, puis les déménagements vers la fin. Le jour où à son tour elle a quitté ce monde, j’ai vendu ma voiture et n’ai plus jamais conduit depuis. J’ai eu de la peine en vendant cette voiture. J’ai eu l’impression de l’abandonner. Comme un animal, comme quelqu’un. J’avais le coeur brisé et l’ai encore quand j’y pense. Mais j’ai l’impression que depuis toujours, et ça ne s’améliore pas avec l’âge, j’ai le coeur brisé en permanence, pour un rien. Un chat abandonné, une vieille personne qui compte ses sous dans un magasin. Je n’ai pas suffisamment de petits mots de mon père pour me dire comment réagir à chaque situation. Alors j’improvise, je camoufle, je garde en moi, et je créé des choses et des moments.

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