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Writer’s life (95) Temps étrange où les gens sont prêts à lyncher celles et ceux qui toussent sans mettre la main devant la bouche (pensée que je suis prête à mettre en application en temps normal). Marie me dit : « Je pense bien à toi et au « Petit éloge du baiser » sur lequel tu travailles ! Dans cette période où personne n’a le droit de se toucher ou de s’embrasser, ça doit être dingue de travailler là-dessus. En même temps, c’est beau, c’est stendhalien, tu peux tout miser sur la cristallisation ! ». « Oh, lui réponds-je, tu sais depuis ma prime adolescence il y a tellement de baisers qui sont restés au stade de la cristallisation que mon coeur ressemble à la Grotte des demoiselles (une grotte riche en stalagmites et stalactites. Hum !) Anne me dit : «Le bon côté de ce qui nous arrive c’est que tous les gens empêchés de se voir pendant des semaines vont se manquer, se désirer, se fantasmer, avoir une envie dingue de baiser ou de s’embrasser quand tout sera fini. ». « Oui, dis-je à Anne, je suis d’accord. D’accord avec le talent et la puissance du fantasme. Parce que sans fantasme, quand on pense de manière rationnelle aux gens, il y en a quand même très peu qu’on a envie d’embrasser. » Compliqué de trouver l’ardeur au travail en la séparant de l’angoisse de la situation actuelle. C’est un effort en plus. Et encore, comme me le dit si justement Lorraine qui a perdu ses deux parents et est, comme moi, enfant unique : « Tu imagines, l’inquiétude qui serait la nôtre s’ils étaient en vie ». Une période si angoissante, dure, inédite, mortifère et surréaliste qu’on se croirait ce soir dans un épisode de Black Mirror. Si bien qu’à un moment, lors de l’allocution présidentielle, j’ai crû qu’il allait escamoter sa gravité par un sourire et dire dans une conclusion digne d’Orson Welles : « C’est pourquoi à partir de demain midi il ne sera désormais plus autorisé que de se déplacer en sous-marin jaune. » #writerslife

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