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Writer’s life (131) Il y a deux directions pour moi dans l’écriture d’un roman, ce qui se travaille et ce qui apparaît. Et encore, quand je dis, ce qui se travaille, j’ai envie de dire ce qui apparaît en travaillant. Maintenant que l’écriture est terminée et que je laisse reposer comme une pâte cette première version, je pense à mon roman qui repose. Oui, je voudrais le dire comme ça, un peu comme cette phrase merveilleuse de Bonaparte citée par Robert Bresson dans ces notes sur le cinématographe : « Je fais des plans de bataille avec les rêves de mes soldats endormis. » Donc, je pense au roman qui repose, et il y a des phrases qui surgissent dans la vie de tous les jours et qui viennent parfaitement s’intégrer dans le contexte du roman, ou alors elles viennent parce que le roman continue à s’étendre en moi. Par exemple, cette phrase qui m’est venue l’autre soir et qui s’y inclue parfaitement : «Moi qui ne suis moi-même qu’avec elle, je la regarde être elle-même avec les autres ». Cette phrase surgit, je m’y attache, la trouve pertinente (voir hyper valable) dans le contexte de mon roman (elle réveille le roman en moi), et je n’ai plus qu’un désir, ouvrir le fichier (la pâte qui repose) et essayer de trouver l’endroit parfait - dans la mêlée des phrases (ou la rivière, ou le territoire) pour y loger cette apparition. Comme un élève qui pousse la porte de la classe en milieu d’année et qui va très vite se révéler indispensable à l’harmonie de la classe (tout cela m’intéressait beaucoup quand j’étais au lycée, et c’est ce que j’ai continué à faire à Astaffort ou dans mes ateliers d’écriture : créer le meilleur des espaces possibles). Il y a la phase où on travaille sur son roman, et la phase où le roman nous travaille. Je me souviens avoir trépigné à un dîner où il ne se disait/passait rien d’intéressant (à mes yeux) et où, suite à l’apparition en moi d’une phrase, je n’avais qu’une envie, qu’une obsession, - vite le dessert, vite le café, vite mon blouson - fuir au plus vite ces vanités mondaines pour aller trouver le bon endroit dans le livre en cours d’écriture où faire fleurir une seule phrase. #writerslife

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