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 Writer’s life (140)


Hier, à la toute fin de l’atelier sur les lettres d’amour, alors que je parlais de la correspondance d’Albert Camus et de Maria Casares, début de conversation très intéressant quand une des participantes pose la question de la puissance littéraire des amours illégitimes : est-ce que les amours empêchées (bien qu’exaucées/réciproques) sont + brûlantes, + belles, et + intenses en terme de création littéraire ? Hé bien peut-être dans la mesure où l’écriture, la lettre d’amour précisément, le roman, deviennent le territoire où exprimer cet amour, le lieu des lieux, le parc sur aucune carte, le paradis sur terre où les phrases sont des arbres, l’El Dorado des amours aussi impossibles qu’inéluctables. C’est aussi le grand espoir et le paradoxe de la lettre d’amour, on ne peut plus s’arrêter d’écrire, et pourtant on rêve d’un point final qui aurait la forme d’un baiser.
Revu « Les Affranchis », de Scorsese. Pendant les deux grands plans séquences du film, des images de l’Ikea Plaisir sont venues bizarrement se loger dans mon esprit. Pourquoi ce surgissement (de plaisir ?) Pourquoi un Ikea planté au milieu d’un Scorsese ? C’est la mécanique du plan séquence. L’iKea Plaisir invite le visiteur/consommateur dans les arcanes de son magasin à un plan séquence digne d’un grand cinéaste. Et je me souviens l’avoir emprunté pendant tant d’années, peut-être de 1985 à 2012, à des étapes de vie différentes, avec ma maman. Encore alerte au début, l’élégance rare en ce monde, et puis d’année en année, ayant de plus en plus de mal à parcourir ce trajet imposé. Sa vieillesse, voûtée dans le plan séquence de l’Ikea Plaisir. Cherchant un siège pour s’asseoir (un magasins de meubles, quelle chance !), avançant à bout de souffle, finissant par prendre l’ascenseur. J’ai vu ma mère vieillir dans les petites joies de ces parcours ordinaires pour s’acheter quelque chose pour la maison, un déménagement, des guirlandes avant noël… Vieillir dans un plan séquence en kit. Et laisser le trajet gagner sur la volonté de le poursuivre, me laissant incrédule, moi qui toujours aime remettre à plus tard la brutalité du mot fin.

#writerslife

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